BIOBIBLIOGRAPHIE
SEYHMUS DAGTEKIN
Seyhmus Dagtekin est né en 1964 à Harun, village kurde dans les montagnes du sud-est de la Turquie. Un village où la roue n’était pas encore entrée. Il y a vécu jusqu’à l’âge de dix ans et partit ensuite pour l’école et les villes. Après des études en audiovisuel à Ankara, il arrive à Paris en 1987 où il vit depuis. Il écrit en français, en kurde ou en turc.
Il a été lauréat du Prix internationale de poésie francophone Yvan Goll pour Les chemins du nocturne et son roman A la source, la nuit a reçu la mention spéciale du Prix des Cinq Continents de la Francophonie.
Ses textes ont été publiés dans de nombreux revues et anthologies.
Poésie
Juste un pont, sans feu Castor Astral, juin 2007 Prix Mallarmé 2007
La langue mordue, Le Castor Astral/Ecrits des Forges, 2005
Couleurs démêlées du ciel, Le Castor Astral/Ecrits des Forges, 2003
Le verbe temps, Le Castor Astral/Ecrits des Forges, 2001
Les chemins du nocturne, Le Castor Astral, 2000
Artères-solaires, l’Harmattan, 1997
Roman
A la source, la nuit, roman, Robert Laffont, 2004
Seyhmus Dagtekin porte en lui et dans ses poèmes, et au plus vif de ses poèmes les plus « nocturnes », un singulier principe d’illumination ; puisant à une « lumière aveugle » l’énergie d’une parole en proie à un précipité d’images oraculaires et scellées, flamboyantes et énigmatiques. Parole archaïque et prophétique à la fois, arrachée au labyrinthe d’un inconscient transpersonnel dont le poète dispose moins de la clef que des pouvoirs et qui lui inspire des poèmes douloureux, sacrificiels presque ; comme s’il devait mourir à soi, à la jouissance immédiate de ses mots pour consentir à dire, comme dans ce dernier livre encore inédit, « tout l’inachevé du désir ». Car tel est « le malheur de l’oiseau à la porte du jour » et la destinée du poète selon Seyhmus Dagtekin. Destinée de passeur, de vates, profondément enracinée dans la tradition soufie de son Kurdistan natal, son inépuisable terreau mythologique, mais réinventée dans une langue, le français dans lequel il signe tous ses livres depuis 1997. Langue qu’on croirait moins apprise que révélée, arrière langue d’un arrière-rêve, tant semble chez lui naturelle – et stupéfiante après si peu d’années – sa façon de la faire chanter.
Pierre DUBRUNQUEZ
Seyhmus Dagtekin, retenez ce nom, il s'agit peut-être d'un des grands poètes français de la nouvelle génération. Pas mal, n'est-ce pas, pour quelqu'un qui a appris le français comme Conrad l'anglais, c'est-à-dire à l'âge adulte, et qui comme Conrad est devenu un virtuose de sa langue d'adoption.
Fouad LAROUI
… Un choc culturel, puisque la culture urbaine s’est tant éloignée du merveilleux que celui-ci lui paraît antique et exotique. Seyhmus Dagtekin arpente la féerie. Il nous donne à lire la distance qui nous sépare de la magie tout en nous réconciliant avec elle.
Marc-Olivier PARLATANO
« Je me dis que le monde, que l'être, sont comme un chaudron, et que l'art, l'écriture, en sont la louche. Plus la louche est longue et grande, plus on peut brasser les fonds et les limites du chaudron, plus on parvient à remuer les fonds et les limites de l'être.
C'est le pari que je fais, le sens que je cherche à donner à travers la poésie et l'écriture : essayer d'allonger, d'agrandir le plus possible ma louche, mes moyens de remuer l'être, de pousser le plus en avant sa connaissance et de donner à en entendre le chant.
Pour moi, chaque recueil est l'expérience de ces limites, de mes limites dans ce qui m'entoure. Chaque recueil est à la fois cette poussée que j'essaye d'exercer sur l'être et aussi ce que j'en ramène comme témoignage, ce que je donne en partage au lecteur pour lui proposer un compagnonnage sur les chemins de l'être. »
S.D.
Il a été lauréat du Prix internationale de poésie francophone Yvan Goll pour Les chemins du nocturne et son roman A la source, la nuit a reçu la mention spéciale du Prix des Cinq Continents de la Francophonie.
Ses textes ont été publiés dans de nombreux revues et anthologies.
Poésie
Juste un pont, sans feu Castor Astral, juin 2007 Prix Mallarmé 2007
La langue mordue, Le Castor Astral/Ecrits des Forges, 2005
Couleurs démêlées du ciel, Le Castor Astral/Ecrits des Forges, 2003
Le verbe temps, Le Castor Astral/Ecrits des Forges, 2001
Les chemins du nocturne, Le Castor Astral, 2000
Artères-solaires, l’Harmattan, 1997
Roman
A la source, la nuit, roman, Robert Laffont, 2004
Seyhmus Dagtekin porte en lui et dans ses poèmes, et au plus vif de ses poèmes les plus « nocturnes », un singulier principe d’illumination ; puisant à une « lumière aveugle » l’énergie d’une parole en proie à un précipité d’images oraculaires et scellées, flamboyantes et énigmatiques. Parole archaïque et prophétique à la fois, arrachée au labyrinthe d’un inconscient transpersonnel dont le poète dispose moins de la clef que des pouvoirs et qui lui inspire des poèmes douloureux, sacrificiels presque ; comme s’il devait mourir à soi, à la jouissance immédiate de ses mots pour consentir à dire, comme dans ce dernier livre encore inédit, « tout l’inachevé du désir ». Car tel est « le malheur de l’oiseau à la porte du jour » et la destinée du poète selon Seyhmus Dagtekin. Destinée de passeur, de vates, profondément enracinée dans la tradition soufie de son Kurdistan natal, son inépuisable terreau mythologique, mais réinventée dans une langue, le français dans lequel il signe tous ses livres depuis 1997. Langue qu’on croirait moins apprise que révélée, arrière langue d’un arrière-rêve, tant semble chez lui naturelle – et stupéfiante après si peu d’années – sa façon de la faire chanter.
Pierre DUBRUNQUEZ
Seyhmus Dagtekin, retenez ce nom, il s'agit peut-être d'un des grands poètes français de la nouvelle génération. Pas mal, n'est-ce pas, pour quelqu'un qui a appris le français comme Conrad l'anglais, c'est-à-dire à l'âge adulte, et qui comme Conrad est devenu un virtuose de sa langue d'adoption.
Fouad LAROUI
… Un choc culturel, puisque la culture urbaine s’est tant éloignée du merveilleux que celui-ci lui paraît antique et exotique. Seyhmus Dagtekin arpente la féerie. Il nous donne à lire la distance qui nous sépare de la magie tout en nous réconciliant avec elle.
Marc-Olivier PARLATANO
« Je me dis que le monde, que l'être, sont comme un chaudron, et que l'art, l'écriture, en sont la louche. Plus la louche est longue et grande, plus on peut brasser les fonds et les limites du chaudron, plus on parvient à remuer les fonds et les limites de l'être.
C'est le pari que je fais, le sens que je cherche à donner à travers la poésie et l'écriture : essayer d'allonger, d'agrandir le plus possible ma louche, mes moyens de remuer l'être, de pousser le plus en avant sa connaissance et de donner à en entendre le chant.
Pour moi, chaque recueil est l'expérience de ces limites, de mes limites dans ce qui m'entoure. Chaque recueil est à la fois cette poussée que j'essaye d'exercer sur l'être et aussi ce que j'en ramène comme témoignage, ce que je donne en partage au lecteur pour lui proposer un compagnonnage sur les chemins de l'être. »
S.D.
EXTRAITS
COULEURS DEMÊLEES DU CIEL (extrait I)
Il faudrait choisir, m’a-t-elle dit, au lieu de chanceler d’une rive à l’autre
Trouver une pause chaude et délicate à mes plantes refroidies
Rester à se fondre dans la poussée des racines
Sous ce même ciel uni traversé de pulsions dilatées dans les jours
Un paradis ferme sous mes pieds enfermés dans la distance
Mes yeux d’aujourd’hui précipités contre mes cœurs de demain
Refuge, paillasses, lit de coquelicots
Coupe et racines. Amour et dépravation au même niveau des bas
Faudrait choisir, m’a-t-elle dit, d’une rive à l’autre
Ce cœur reviendra faire sa révérence dans le même mot
Ce cœur revenu de toute part, revenu de tout
Comme une amertume, un commencement sans cesse délayé dans le cœur récalcitrant de l’été
Ma vie se défilant, ma descendance se faufilant dans les plantes défraîchies de mon ascendance
Ce rire comme un éclat de pierre, comme un éclat de rire bondissant de ma tête
D’une rive à l’autre, et rebelote la vie, le bruit, la fumée
et quelques tournesols mal accrochés à la lune couchée de ma tête
Un certain mal-être mal posé dans le monde à sa place. Cet ongle mal poussé à sa place. Redit, refait, surfait, défait à sa place
Ce mot inentamé sur ma route
D’une rive à l’autre, comme si je gardais la mer dans ma tombe
Comme si je taillais une coupe dans le vif de ma syllabe
Un goût de citron, de thé rance, de menthe passée
Et rebelote, retour sur tes pas
Cette toux qui resurgit dans la pensée de ma défunte tante
Un goût indéfinissable de datte, de poire, de banane, de pomme
de fumée sans braise, de tabac sous la braise
ce bouillonnement, ce bruit
Ce goût diffus de la datte dans le cœur, dans le gris ronronnant de ma syllabe
Légère, croustillante, enrobée de la fumée du tabac sous la braise
Ce défilé des chiffres. Ce retour du mot
Et la mer toujours dans les pattes
D’une rive à l’autre, une petite folie
Une rase campagne, une racine du mot
De loin en loin, un égosillement, des glaces, des as, des carreaux
Une chambre à air
Et rebelote, la vie revient
un bruit, un raclement
et ça repart
Me voici, parmi mes semblables, voici des chevelures tombantes, grisonnantes. Les yeux, les lèvres, le sourire, le buste, les mains dans les cheveux
L’éclipse, l’absence
Noyades, mutilations, mines antipersonnelles
Bateau-cercueil, rafales, corps brûlés
Naufrages, bateau-sentinelle, l’île au trésor
Applaudissements, la parole passe, les yeux reviennent
L’absence se prolonge, l’histoire change de langue
L’âme voudrait, et ma tête aussi, s’appuyer contre cette douceur, cette abondance généreuse des seins de cette femme qui forcent son pull et me forcent les yeux
Ma tête et l’âme voudraient se laisser balancer d’une rive à l’autre dans les douceurs de cette abondance
De l’autre côté, on parle de la force, de l’idéologie officielle, de l’union européenne, de démocratie, de totalitarisme
Ma tête voudrait s’enfoncer dans cette douceur. Et l’âme. Et le sourire, et la main dans les cheveux reviennent et disparaissent
On donne des exemples de disparitions, on parle d’articles de journaux, d’amendes, de prisons. On parle de l’année des amendes, de confiscation des livres
Et mes mains, et mes membres auraient voulu pousser vers toi, vers l’abondance de tes seins, vers ton bras qui supporte ta tête, vers ta tête qui affirme ce qui se dit, vers ton coude qui supporte ton buste, vers ta main qui tient l’écouteur, vers tes mains qui applaudissent, qui remettent le serre-tête en place, qui jouent avec tes cheveux
Et on parle de parlement, de groupes, de membres, de solidarité du peuple, de mon peuple, de mes semblables
Et mon cœur se penche vers toi, vers ta tête penchée qui écoute les diseurs, les discours
On parle d’influence sur les politiques, d’union douanière, de chefs d’Etats, de statut de candidate, de partenariat d’adhésion
Et tes mains ouvrent un agenda, tes dents tiennent le bouchon de ton stylo, une frange de ta chevelure tombe sur ta joue, ton pied dessine des cercles dans l’air, et tu reposes la tête sur ta main, tu secoues la tête pour affirmer
On parle de sorties, de largages, de tromperie, d’ambiguïtés. On parle des minorités, des droits, de la construction d’un état de droit. On parle de rapts, de viols, de la place de l’armée dans la vie des raptés et des violés. Reviennent les chiffres, les affamés, les déplacés, ceux déjà sur place, ceux dans l’attente de leur place dans le cœur de ceux déjà en place
Mon cœur et mon âme comme un débordement vers tes abondances. Tes doigts bougent et mon âme bouge dans tes doigts
On parle de bâtir ensemble
Tes mains se posent l’une sur l’autre. Mon cœur se serre, mon cœur se soulève, mes regards croisent d’autres regards qu’attisent tes abondances
On parle d’onctions, d’amis, de complaisance, d’enjeux économiques, de dispositifs stratégiques. On parle de la foulée, des incursions, de rapports des partis politiques, du cessez-le-feu
Et mon cœur toujours avançant vers ton corps dans ces pauses poussées et refigurées de la parole. Voilà que tu es absente, et que mon cœur reste suspendu à ton absence
Tu es absente et on parle répression, paradis, gâchis, pouvoir, commerce
J’aurai voulu lancer ma voix à la poursuite de ton absence
On parle et je reste
Le désastre de l’âme dans le désastre de ton absence
D’où rejailliront un jour toutes mes faces
extrait II
Car te voici, Carine, dans la proximité
atterrie devant mes yeux
avec ta bouche sourire
tes yeux offerts
et cette frange qui te voile comme une transparence
Pense à moi
Mon cœur bat
Et toi, Audrey
Tu es là-bas
Tu me regardes
Tu me traverses de ton regard
Tu m’annules dans ton regard
Mais tu es morte, je le sais
Tu n’as pas de numéro de téléphone
Pas de numéro de fax
Pas de numéro de portable
Pas de mail. Pas de site internet. Tu es morte
Ton regard dans mon regard
Ta bouche entrouverte
Vers la pluie
Vers le beau temps
Vers l’absence de ta voix
Carine
Je te baise la bouche
Je te baise le nez
Je te baise les yeux
Je te baise les paupières
Je te baise les cils
Je te baise les franges
Je te baise les grains de beauté
Carine
Je suis un obèse
Oui oui, c’est toi Carine
Ne regarde pas autour
Reste dans la page
Suis
Là, je suis à la naissance de ton nez
Là, je suis sur tes lèvres
Là, c’est le téton qui pointe à travers la chemise
Genou légèrement plié
Un pied comme caressant l’autre
Narines ouvertes aux vents, et au soleil, et aux nuages, et à la mer
Là, c’est la main qui rehausse délicatement la jupe de ta robe
Lèvres étirées par un sourire
Et là, l’abondance de tes seins
C’est toujours toi
Tes pliures qui déplient ma chair
Tes lèvres, tes seins, ta robe
/
Qui cherche trouve Carine
Extraits, Couleurs démêlées du ciel, Le Castor Astral, 2003
Seyhmus DAGTEKIN
MA MAISON DE GUERRE
(poème en cours)
Ci-gît tout poème
Moi dedans
Toi le dehors du poème
Moi eau
Toi coulée du poème
Danièle
Pour ne sortir que lentement de la durée
Loin de toute permanence
Et que va secouer la patte de ce chat
Librement défait de ses laisses
Comme les toits de Nevers
Dans ces chairs
Bâtis dans le même mot
Ce que tu as écrit reviendra en boucle sur toi
Ce que tu as reniflé restera collé à ton nez
Celui qui lit n’est pas tenu de dire ce qu’il lit
N’est pas tenu de se lever de son lit
Pour le transcrire sur un liquide
Qui ne dira pas mieux ce que tu laisses entre toi et le rêve
- Par où entres-tu dans la nuit, par où s’entretue-t-on dans la nuit quand le jour n’est plus ?
J’ai si soif
Je ne suis que soif
Je suis miroir qui me brise sur ta soif
Je suis temps qui me déboite dans ta soif
Je suis arbre qui ne peux me soustraire à ta soif
Je suis corps qui ne cherche que ta soif sur chaque point de partage
Comme ce toit qui se fait, qui ne se fera que poil
Ce poil qui se fait, qui ne se fera que toile
Une goutte d’eau
Dans le mot
C’est tout un poème. Tout est poème
René-Louis dans ses forêts. Jean-Luc dans son village à l’heure
de la télé, de Sindbad et de ce qui le mène
Au loin
A la révolution figurée
Ophuls et ses lectures, téléguidé
Les fondements géographiques des films de ma vie
Entre spectateurs et mendiants du nocturne
O maestra qui réveille les chiens et les voleurs au son du cor
dans une grammaire comme un jeu d’enfant qui tourne autour d’Herbert
marqué au fusil. Fuzuli
Faisant une pause sur démocratie en Amérique
Rameuté de prieurs dans les habits d’un cannibale
et des morceaux de son imaginaire. C’est
C’est tout un poème. Cette lignée de langues et de lois
Un albatros qui se bat dans les manchettes de la poésie
Hachée. Achète ton guide de village chez le cardinal Visconti
Précis
Comme un jésus de Nazareth venu avant l’heure
Marque et marque et marque tes pages
Vue de loin. Les noces de la révolution
Et la macération
Du désir du livre des vagabonds dans le reste des jours
Un breuvage venant au minuit de la forêt
Dans les souliers du colporteur
Hors cadre, hors limite, hors champs
Réfutation de la toile trouée
Amour d’un damné emmuré dans la maison rouverte
irriguée de chant de plomb d’esthétique et de vie
Naufragé des désirs
Dernière migration des parfums de sexes
Une nouvelle vie du feu. O le bel avenir
Les chiens à clef
Et ces consuls truffés de faux
A la surface de la treizième chose
Un traité de l’amour dans le soleil des filles du feu
Tout un poème
Mais la question reste
/
Pourquoi rose perd sa monture dans les ailes de l’albatros
Ma maison de guerre enterrée avec un bouquet de plumes
aussi lourd qu’une allée de bois
pour détruire le monde des méchants
dans les soubresauts de ma cabane
Jamais sans mes couleurs
Jamais sans une marche sous le soleil
Un lit sur le dos d’un poisson qui gobe une pêche habitée par une mouche
L’aiguille tourne deux fois et pique un seul ongle
Avec ces lettres effleurées dans ta bouche
Qu’est-ce qu’un éléphant quand son pied glisse et qu’il doit se vider avec sa trombe
Qu’est-ce qu’un éléphant qui ne fait plus de différence entre son pied et sa trombe et ne saurait mettre un peu de vessie dans ce calme
Il y a moi, les canards, les pigeons et un chien d’un bleu outré
d’un vert moisi entre les feuilles
qui brisent en autant de lacs
l’éblouissement irréfléchi du chien face au ciel
face au chien
un canard sort de l’eau progressivement
le chien se fait limace dans ta gorge
suivi du canard, du pigeon
et moi à la suite de la limace
un chien autant de fois répété
Il y a moi qui ne reviens pas sur les chiens
sur toutes les terres
qui laisse pendre les marguerites au long des lunes
sur les plumes lisses des canards
Et comment le clair de lune sera changé en appareils de pompiers
La quête de l’homme dans sa tête avec l’absent
Les trains passent et je reste sur le quai
Les gens passent et je reste sur le quai
Le temps passe et je reste dans le temps
qui passe
qui passe
sans m’enlever au temps
La fin des temps où chacun revient sur son millénaire achevé avec une idée de vie élargie à ses canines
Le prisonnier qui nous emprisonne
Comme une suite dans le souffle
Chapeau de paille, parent pauvre d’Italie
Je suis là. J’attends. Le destin. Le croisement. Le spectacle même du destin. Du croisement. Qui donnera naissance à autant de destins. L’anniversaire d’une amie. Une journée rude. Remplie de profit et de desseins
Je suis là et ça n’intéresse personne comme une forteresse celtique, comme un chat périmé dans ses rimes
Mais, mais, intéressez-vous à mes intérêts ô gens qui passent sans user de leurs droits de représailles
Même si les restes sont une relique du passé
Je me bousille le portrait en direct
Face à la police nationale dans une pénurie de transe
Un serpent noir à travers mes alphabets
Pour me tailler une tête de poésie
L’agrafer comme une sentence dans le regard
Une douceur de romance
Ah le désastre, le désastre du désespoir des parents d’Italie avec leurs chapeaux de paille où ils ne peuvent même pas cacher leur tête
Ah le désespoir du désastre
De la souris noire qui ne peut sortir d’aucune tête
Oiseau. Oiseau de proie. Rapace, mouche et moucheron. Une envolée de béquilles avec leurs ailes
Parent pauvre, pauvre de parents
Vas-y, dessine-moi une lectrice de poésie. Au moins, le bas de son profil
Pour perdre trois fois de temps dans trois fois de langues
Mais mon dieu, quelle gueule, mais mon dieu, quelle gueule à mon prochain
Trop imbue, trop finie, trop définie
Du lourd, du sérieux, du pas rigolo
Mais mon dieu, ma gueule de lecteur
Ma gueule de celui qui se laisse dire
Comme si j’osais le ridicule des glaïeuls dans la gueule de mon prochain
Lecteur
Osez, osez vous rabattre sur la prochaine abstinence dans cette réciprocité déficiente
Dans cette atroce dépendance de mon verbe à ma tête et de ma tête au trou par où sort ton verbe
Une serpente noire
De bonheur de noir
Fille de proie
Passe barrière, passe muraille
Comme ce qui va droit au cœur
Les parvis de la charité
Comme une tasse de thé qui nous grince les dents
Et se double d’un chasseur d’eau trouble
Pour descendre de l’orée de ces cons vers les gueules de poésie
Comme une ligne qui se brise dans son avancée
L’avidité comme la gueule prochaine, gueule du prochain
Ruts et jupes Ariane
Mon dieu défigurant
La prochaine gueule, une bouche saine
Saine de sang, un retour sur ces morts
Nul n’est à l’abri des regards du prochain
Oh mon dieu, qu’éclate la gueule de poésie comme une promesse
Dans la transparence de la chair
Cette cécité qu’on peut nouer ou dénouer selon la vitesse du vent comme si la distance était une chimie qui ne tenait pas en place dans l’alchimie des têtes
Comme si la lumière solaire n’avait pas de règles
Comme si elle grinçait la cheville du côté de l’est et pendait sa chevelure du côté de l’ouest
Comme s’il y avait une règle à ses balancements
Comme si un cri était plus lourd que la distance qu’il parcourt
Un chien égaré dans la ressemblance de ses pas
Une agonie de l’attente
A la lettre
L’agonie de la lettre dernière
Tout en sachant qu’on sera exclu de sa fin
- Pourquoi m’avoir tiré de mon repos ?
Les fins sont plus douloureuses
Plus douloureuses que les repos. Que les repos. Que les repos. Que les repos. Les repos sont plus longs que les agonies. Agonies dans le repos
7up est distribué par pepsi-cola
85 % du marché des boissons gazeuses non alcoolisées est détenu ici par coca-cola
La bataille fait rage dit-on outre-atlantique pour le contrôle de ce marché
Ici pepsi-cola aurait accepté une existence dans les marges
D’ici à ce que pepsi-cola devienne la boisson gazeuse non alcoolisée des marginaux…
Les repos dans l’agonie, dans l’agonie, dans l’agonie, dans l’agonie, l’agonie, l’agonie, l’agonie
Comme si aux frontières du réel, je vous parlais d’un aboiement du sous-réel
L’agonie des repos
/
Fric flic. Flic fric
Flic fric trique
Fric afrique
Trique afrique
Flic afrique fric
Le fric de l’afrique du flic de l’afrique de trique
Le flic du fric de l’afrique
Le fric du fric du flic de trique
L’afrique du flic du fric de l’afrique
Partout afrique partout trique
Le repos des agonies
Branches et cheveux tomberont ensemble sur la neige
Personne ne parlera en même temps
Pigeon nagera dans l’absolu
Quelques becs sabotés, quelques pattes de lumière
Tu sauras revenir de ce jour mal éclairé
Avec ou sans frelons
Quelques guêpes de romance avec ou sans dards
Comme une rivière tout au long des essences
Je croyais que c’était une main
Entourée de terre ou de feu
Une main ou une patte, ongles ou griffes
Un oiseau qui vole ou qui tombe
Une boule qui tourne ou qui gonfle
La queue avant ou après la tête
Que devient un vers de terre quand il est dans l’eau
Tourne-t-il ou s’enfuit-il
quand il passe par le feu et retourne dans la terre
A partir de quand peut-il avoir des dents
A partir de quand peut-il brûler ses dents en crachant du feu
A partir de quand peut-il les ronger en mangeant de la terre
La terre tremble et une aile tombe de la grande dans ma petite histoire
On s’y croise avec leïla et les autres
Les narines s’ouvrent, les peaux se plient et s’enfoncent dans les narines
Les chevaux et les vers dans la même terre
Un œil, une aile, un ventre dans ma maison qui s’engouffre dans la tienne
/
C’est toujours la fuite en attendant le dégel
LE SANG DE CES VACHES ANTIQUES
Autant de milliers de fois, autant de fins
Autant de défunts dans les inondations recyclées de la mer
Autant de cris, autant de sépultures
/
L’œil voit et mesure ce qu’il voit
La belle dormeuse, l’enjoliveuse
Comme une insomnie reptilienne
Innée
Immoler son corps dans le sang de l’espèce
À perpétuité. À gratuité
Passer outre les raisons, les démangeaisons
L’œil qui voit. Corps qui périclite
Comme une machination, comme une machine à saisons à repiquer les idées
Chieuses et fallacieuses
Comme une chute traversant l’eau
Dans le sang de ces vaches antiques
– L’Amérique médiévale n’existe pas, m’a-t-il dit d’un coup. Si vous n’êtes pas sûr de vos références, larguez-les ! Basta ! dans cette maison basse et bâtarde, avec tous ces cubes asymétriques. D’ici peu, une rafale vous enlèvera avec vos cubes, vos maisons, vos bâtards, vos bassesses, dans ce gris moribond
– Que disais-je d’autre ? Aucun rat dans les parages ? Je peux laisser mes saillies à volonté, alors ? L’or, l’or. L’or de qui ? Eh ! oui, toujours ce bâtard à tes basques. T’arrives pas à le déféquer en route
– Oui, décidément, je te retrouve à toutes les portes. Décidément, ce cheval cabré devant chaque porte. Mais vas-y, vas-y, dessine-moi une rose sur la joue de cette morte
Et ces panthères qui reviennent ronger leurs griffes sous tes paupières
– Oui, des chiens, des charnus, des bâtards. Oui, revenez tout en douceur. Il y a toutes sortes d’échelles ici, toutes sortes de sabots sur les mains de ces mendiants. Démolissez de nouveau. Maintenant, ramollissez. Et lissez de nouveau vos cheveux. Ah ! votre pied glisse, glisse sur cette face. Lisse. Mais hennissez de nouveau, vous êtes aux portes de l’Amérique, venue de loin. Loin de mes rêves qui glissent sous mes pieds. Mais j’oubliais. Décidément, il y a toujours une porte qu’on oublie. Et l’on vous oublie toujours devant une porte, avec ou sans chèvres
– Hé ! Homère qui vient de la mer. N’oublie pas ton troupeau. L’attente est longue devant cette porte. Il faut s’occuper et se nourrir de ses chèvres. Homère, parce qu’on ne revient pas de la mer si facilement
– Voilà, un pied cassé, une oreille mordue. Et même pas une morsure de chien. Que vont devenir nos chèvres ? Devant cette échelle oubliée, devant cette porte qui nous guette avec ses yeux d’Amérique
– Mais l’Amérique médiévale n’existe pas. Il faut le dire pour une fois que cette chèvre laisse son sabot entre nos mains. Vas-y, cher Homère, ronge ma famine devant cette porte, tandis que ta maison décrépit, tandis qu’elle grouille de toutes ses dents brisées et crachées
– Allez, crachez, crachez ! Vas-y, crache !
– Elle est bien bossue, cette échelle, elle te gravit à l’envers sans que tu puisses la descendre à l’endroit
– Mais oui, c’est d’abord les têtes qui tombent. Et toutes ces bombes ! rondes ! qui multiplient les têtes qui roulent à vos pieds comme une cascade. Hennissez à nouveau pour faire patienter vos chèvres
– Elles sont langoureuses, pas bavardes du tout. Elles font semblant de ruminer. Mais elles croient qu’elles auront des ailes et monteront par la cheminée. Et qu’elles chemineront au loin ! De toutes ces échelles. De toutes ces portes. De toutes ces aisselles d’Amérique
– Mais dans la mer, l’Amérique n’existait pas, cher Homère
– Voilà qu’un aboiement sec me fait tousser. Et tous ces bâtards dans cette maison à se briser le cou, à s’ébrécher dans le ruminement des chèvres qui ont vu tomber d’autres cous sous d’autres échelles
– Quel cou brisé ? Quelle fin, la fin d’Amérique ? Dans cette bouche médiévale ? Avec ce ventre ? Avec ce creux ? Cette vallée ne sera jamais remplie de têtes et de mouches
– Et ce pâtre d’Homère qui fait péter ses chèvres pour chauffer sa maison, et qui n’a même pas de ventilateur !
– Est-il venu sur la mer à pied ? Pour se découvrir la tête ici ? Devant cette maison d’Amérique qui n’a même pas de latrines ? Les chèvres toujours sur pattes ? Avec à chaque fois une autre paire de chaussures ? Ce pâtre qui n’a même pas vu de chameaux et déteste les chamelles !
Et pendant ce temps, Bessie Smith se mettait sur le ventre et disait : si tu veux, tu peux aller et venir entre mes bosses, mais tu ne peux pas entrer
Juste une petite, lui disais-je. Non, disait-elle, petite ou grande, une entrée est une entrée. Alors, tu restes à l’extérieur
Et tu revenais, mais tout ça est déjà dit. Les orteils, le pouce, l’index, l’ongle de l’auriculaire. Toutes ces pages déjà tournées. Ces cheveux déjà tombés. Ce ciel déjà avalé. Déjà retournés sur ces lèvres, ces mots. Ce sommeil, ce soleil dandinant sur ce buste aigri. Selon l’angle et la race. Une maison. Sur ce champ. Creusé si bas. À tes pieds
Avec ce regard comme autant de maux de tête répétés. Chacun couvant de ses regards l’œil caché de l’autre.
– Allez, allez, oublie que nous sommes mendiants ! Oublie que nous sommes devant cette porte. Oublie l’Amérique qui t’a devancé sur la terre même de tes troupeaux.
– Mais enfin, Homère, avec tous ces oublis, on ne pourra jamais franchir cette porte
Extrait, La langue mordue, Le Castor Astral, 2005
Il faudrait choisir, m’a-t-elle dit, au lieu de chanceler d’une rive à l’autre
Trouver une pause chaude et délicate à mes plantes refroidies
Rester à se fondre dans la poussée des racines
Sous ce même ciel uni traversé de pulsions dilatées dans les jours
Un paradis ferme sous mes pieds enfermés dans la distance
Mes yeux d’aujourd’hui précipités contre mes cœurs de demain
Refuge, paillasses, lit de coquelicots
Coupe et racines. Amour et dépravation au même niveau des bas
Faudrait choisir, m’a-t-elle dit, d’une rive à l’autre
Ce cœur reviendra faire sa révérence dans le même mot
Ce cœur revenu de toute part, revenu de tout
Comme une amertume, un commencement sans cesse délayé dans le cœur récalcitrant de l’été
Ma vie se défilant, ma descendance se faufilant dans les plantes défraîchies de mon ascendance
Ce rire comme un éclat de pierre, comme un éclat de rire bondissant de ma tête
D’une rive à l’autre, et rebelote la vie, le bruit, la fumée
et quelques tournesols mal accrochés à la lune couchée de ma tête
Un certain mal-être mal posé dans le monde à sa place. Cet ongle mal poussé à sa place. Redit, refait, surfait, défait à sa place
Ce mot inentamé sur ma route
D’une rive à l’autre, comme si je gardais la mer dans ma tombe
Comme si je taillais une coupe dans le vif de ma syllabe
Un goût de citron, de thé rance, de menthe passée
Et rebelote, retour sur tes pas
Cette toux qui resurgit dans la pensée de ma défunte tante
Un goût indéfinissable de datte, de poire, de banane, de pomme
de fumée sans braise, de tabac sous la braise
ce bouillonnement, ce bruit
Ce goût diffus de la datte dans le cœur, dans le gris ronronnant de ma syllabe
Légère, croustillante, enrobée de la fumée du tabac sous la braise
Ce défilé des chiffres. Ce retour du mot
Et la mer toujours dans les pattes
D’une rive à l’autre, une petite folie
Une rase campagne, une racine du mot
De loin en loin, un égosillement, des glaces, des as, des carreaux
Une chambre à air
Et rebelote, la vie revient
un bruit, un raclement
et ça repart
Me voici, parmi mes semblables, voici des chevelures tombantes, grisonnantes. Les yeux, les lèvres, le sourire, le buste, les mains dans les cheveux
L’éclipse, l’absence
Noyades, mutilations, mines antipersonnelles
Bateau-cercueil, rafales, corps brûlés
Naufrages, bateau-sentinelle, l’île au trésor
Applaudissements, la parole passe, les yeux reviennent
L’absence se prolonge, l’histoire change de langue
L’âme voudrait, et ma tête aussi, s’appuyer contre cette douceur, cette abondance généreuse des seins de cette femme qui forcent son pull et me forcent les yeux
Ma tête et l’âme voudraient se laisser balancer d’une rive à l’autre dans les douceurs de cette abondance
De l’autre côté, on parle de la force, de l’idéologie officielle, de l’union européenne, de démocratie, de totalitarisme
Ma tête voudrait s’enfoncer dans cette douceur. Et l’âme. Et le sourire, et la main dans les cheveux reviennent et disparaissent
On donne des exemples de disparitions, on parle d’articles de journaux, d’amendes, de prisons. On parle de l’année des amendes, de confiscation des livres
Et mes mains, et mes membres auraient voulu pousser vers toi, vers l’abondance de tes seins, vers ton bras qui supporte ta tête, vers ta tête qui affirme ce qui se dit, vers ton coude qui supporte ton buste, vers ta main qui tient l’écouteur, vers tes mains qui applaudissent, qui remettent le serre-tête en place, qui jouent avec tes cheveux
Et on parle de parlement, de groupes, de membres, de solidarité du peuple, de mon peuple, de mes semblables
Et mon cœur se penche vers toi, vers ta tête penchée qui écoute les diseurs, les discours
On parle d’influence sur les politiques, d’union douanière, de chefs d’Etats, de statut de candidate, de partenariat d’adhésion
Et tes mains ouvrent un agenda, tes dents tiennent le bouchon de ton stylo, une frange de ta chevelure tombe sur ta joue, ton pied dessine des cercles dans l’air, et tu reposes la tête sur ta main, tu secoues la tête pour affirmer
On parle de sorties, de largages, de tromperie, d’ambiguïtés. On parle des minorités, des droits, de la construction d’un état de droit. On parle de rapts, de viols, de la place de l’armée dans la vie des raptés et des violés. Reviennent les chiffres, les affamés, les déplacés, ceux déjà sur place, ceux dans l’attente de leur place dans le cœur de ceux déjà en place
Mon cœur et mon âme comme un débordement vers tes abondances. Tes doigts bougent et mon âme bouge dans tes doigts
On parle de bâtir ensemble
Tes mains se posent l’une sur l’autre. Mon cœur se serre, mon cœur se soulève, mes regards croisent d’autres regards qu’attisent tes abondances
On parle d’onctions, d’amis, de complaisance, d’enjeux économiques, de dispositifs stratégiques. On parle de la foulée, des incursions, de rapports des partis politiques, du cessez-le-feu
Et mon cœur toujours avançant vers ton corps dans ces pauses poussées et refigurées de la parole. Voilà que tu es absente, et que mon cœur reste suspendu à ton absence
Tu es absente et on parle répression, paradis, gâchis, pouvoir, commerce
J’aurai voulu lancer ma voix à la poursuite de ton absence
On parle et je reste
Le désastre de l’âme dans le désastre de ton absence
D’où rejailliront un jour toutes mes faces
extrait II
Car te voici, Carine, dans la proximité
atterrie devant mes yeux
avec ta bouche sourire
tes yeux offerts
et cette frange qui te voile comme une transparence
Pense à moi
Mon cœur bat
Et toi, Audrey
Tu es là-bas
Tu me regardes
Tu me traverses de ton regard
Tu m’annules dans ton regard
Mais tu es morte, je le sais
Tu n’as pas de numéro de téléphone
Pas de numéro de fax
Pas de numéro de portable
Pas de mail. Pas de site internet. Tu es morte
Ton regard dans mon regard
Ta bouche entrouverte
Vers la pluie
Vers le beau temps
Vers l’absence de ta voix
Carine
Je te baise la bouche
Je te baise le nez
Je te baise les yeux
Je te baise les paupières
Je te baise les cils
Je te baise les franges
Je te baise les grains de beauté
Carine
Je suis un obèse
Oui oui, c’est toi Carine
Ne regarde pas autour
Reste dans la page
Suis
Là, je suis à la naissance de ton nez
Là, je suis sur tes lèvres
Là, c’est le téton qui pointe à travers la chemise
Genou légèrement plié
Un pied comme caressant l’autre
Narines ouvertes aux vents, et au soleil, et aux nuages, et à la mer
Là, c’est la main qui rehausse délicatement la jupe de ta robe
Lèvres étirées par un sourire
Et là, l’abondance de tes seins
C’est toujours toi
Tes pliures qui déplient ma chair
Tes lèvres, tes seins, ta robe
/
Qui cherche trouve Carine
Extraits, Couleurs démêlées du ciel, Le Castor Astral, 2003
Seyhmus DAGTEKIN
MA MAISON DE GUERRE
(poème en cours)
Ci-gît tout poème
Moi dedans
Toi le dehors du poème
Moi eau
Toi coulée du poème
Danièle
Pour ne sortir que lentement de la durée
Loin de toute permanence
Et que va secouer la patte de ce chat
Librement défait de ses laisses
Comme les toits de Nevers
Dans ces chairs
Bâtis dans le même mot
Ce que tu as écrit reviendra en boucle sur toi
Ce que tu as reniflé restera collé à ton nez
Celui qui lit n’est pas tenu de dire ce qu’il lit
N’est pas tenu de se lever de son lit
Pour le transcrire sur un liquide
Qui ne dira pas mieux ce que tu laisses entre toi et le rêve
- Par où entres-tu dans la nuit, par où s’entretue-t-on dans la nuit quand le jour n’est plus ?
J’ai si soif
Je ne suis que soif
Je suis miroir qui me brise sur ta soif
Je suis temps qui me déboite dans ta soif
Je suis arbre qui ne peux me soustraire à ta soif
Je suis corps qui ne cherche que ta soif sur chaque point de partage
Comme ce toit qui se fait, qui ne se fera que poil
Ce poil qui se fait, qui ne se fera que toile
Une goutte d’eau
Dans le mot
C’est tout un poème. Tout est poème
René-Louis dans ses forêts. Jean-Luc dans son village à l’heure
de la télé, de Sindbad et de ce qui le mène
Au loin
A la révolution figurée
Ophuls et ses lectures, téléguidé
Les fondements géographiques des films de ma vie
Entre spectateurs et mendiants du nocturne
O maestra qui réveille les chiens et les voleurs au son du cor
dans une grammaire comme un jeu d’enfant qui tourne autour d’Herbert
marqué au fusil. Fuzuli
Faisant une pause sur démocratie en Amérique
Rameuté de prieurs dans les habits d’un cannibale
et des morceaux de son imaginaire. C’est
C’est tout un poème. Cette lignée de langues et de lois
Un albatros qui se bat dans les manchettes de la poésie
Hachée. Achète ton guide de village chez le cardinal Visconti
Précis
Comme un jésus de Nazareth venu avant l’heure
Marque et marque et marque tes pages
Vue de loin. Les noces de la révolution
Et la macération
Du désir du livre des vagabonds dans le reste des jours
Un breuvage venant au minuit de la forêt
Dans les souliers du colporteur
Hors cadre, hors limite, hors champs
Réfutation de la toile trouée
Amour d’un damné emmuré dans la maison rouverte
irriguée de chant de plomb d’esthétique et de vie
Naufragé des désirs
Dernière migration des parfums de sexes
Une nouvelle vie du feu. O le bel avenir
Les chiens à clef
Et ces consuls truffés de faux
A la surface de la treizième chose
Un traité de l’amour dans le soleil des filles du feu
Tout un poème
Mais la question reste
/
Pourquoi rose perd sa monture dans les ailes de l’albatros
Ma maison de guerre enterrée avec un bouquet de plumes
aussi lourd qu’une allée de bois
pour détruire le monde des méchants
dans les soubresauts de ma cabane
Jamais sans mes couleurs
Jamais sans une marche sous le soleil
Un lit sur le dos d’un poisson qui gobe une pêche habitée par une mouche
L’aiguille tourne deux fois et pique un seul ongle
Avec ces lettres effleurées dans ta bouche
Qu’est-ce qu’un éléphant quand son pied glisse et qu’il doit se vider avec sa trombe
Qu’est-ce qu’un éléphant qui ne fait plus de différence entre son pied et sa trombe et ne saurait mettre un peu de vessie dans ce calme
Il y a moi, les canards, les pigeons et un chien d’un bleu outré
d’un vert moisi entre les feuilles
qui brisent en autant de lacs
l’éblouissement irréfléchi du chien face au ciel
face au chien
un canard sort de l’eau progressivement
le chien se fait limace dans ta gorge
suivi du canard, du pigeon
et moi à la suite de la limace
un chien autant de fois répété
Il y a moi qui ne reviens pas sur les chiens
sur toutes les terres
qui laisse pendre les marguerites au long des lunes
sur les plumes lisses des canards
Et comment le clair de lune sera changé en appareils de pompiers
La quête de l’homme dans sa tête avec l’absent
Les trains passent et je reste sur le quai
Les gens passent et je reste sur le quai
Le temps passe et je reste dans le temps
qui passe
qui passe
sans m’enlever au temps
La fin des temps où chacun revient sur son millénaire achevé avec une idée de vie élargie à ses canines
Le prisonnier qui nous emprisonne
Comme une suite dans le souffle
Chapeau de paille, parent pauvre d’Italie
Je suis là. J’attends. Le destin. Le croisement. Le spectacle même du destin. Du croisement. Qui donnera naissance à autant de destins. L’anniversaire d’une amie. Une journée rude. Remplie de profit et de desseins
Je suis là et ça n’intéresse personne comme une forteresse celtique, comme un chat périmé dans ses rimes
Mais, mais, intéressez-vous à mes intérêts ô gens qui passent sans user de leurs droits de représailles
Même si les restes sont une relique du passé
Je me bousille le portrait en direct
Face à la police nationale dans une pénurie de transe
Un serpent noir à travers mes alphabets
Pour me tailler une tête de poésie
L’agrafer comme une sentence dans le regard
Une douceur de romance
Ah le désastre, le désastre du désespoir des parents d’Italie avec leurs chapeaux de paille où ils ne peuvent même pas cacher leur tête
Ah le désespoir du désastre
De la souris noire qui ne peut sortir d’aucune tête
Oiseau. Oiseau de proie. Rapace, mouche et moucheron. Une envolée de béquilles avec leurs ailes
Parent pauvre, pauvre de parents
Vas-y, dessine-moi une lectrice de poésie. Au moins, le bas de son profil
Pour perdre trois fois de temps dans trois fois de langues
Mais mon dieu, quelle gueule, mais mon dieu, quelle gueule à mon prochain
Trop imbue, trop finie, trop définie
Du lourd, du sérieux, du pas rigolo
Mais mon dieu, ma gueule de lecteur
Ma gueule de celui qui se laisse dire
Comme si j’osais le ridicule des glaïeuls dans la gueule de mon prochain
Lecteur
Osez, osez vous rabattre sur la prochaine abstinence dans cette réciprocité déficiente
Dans cette atroce dépendance de mon verbe à ma tête et de ma tête au trou par où sort ton verbe
Une serpente noire
De bonheur de noir
Fille de proie
Passe barrière, passe muraille
Comme ce qui va droit au cœur
Les parvis de la charité
Comme une tasse de thé qui nous grince les dents
Et se double d’un chasseur d’eau trouble
Pour descendre de l’orée de ces cons vers les gueules de poésie
Comme une ligne qui se brise dans son avancée
L’avidité comme la gueule prochaine, gueule du prochain
Ruts et jupes Ariane
Mon dieu défigurant
La prochaine gueule, une bouche saine
Saine de sang, un retour sur ces morts
Nul n’est à l’abri des regards du prochain
Oh mon dieu, qu’éclate la gueule de poésie comme une promesse
Dans la transparence de la chair
Cette cécité qu’on peut nouer ou dénouer selon la vitesse du vent comme si la distance était une chimie qui ne tenait pas en place dans l’alchimie des têtes
Comme si la lumière solaire n’avait pas de règles
Comme si elle grinçait la cheville du côté de l’est et pendait sa chevelure du côté de l’ouest
Comme s’il y avait une règle à ses balancements
Comme si un cri était plus lourd que la distance qu’il parcourt
Un chien égaré dans la ressemblance de ses pas
Une agonie de l’attente
A la lettre
L’agonie de la lettre dernière
Tout en sachant qu’on sera exclu de sa fin
- Pourquoi m’avoir tiré de mon repos ?
Les fins sont plus douloureuses
Plus douloureuses que les repos. Que les repos. Que les repos. Que les repos. Les repos sont plus longs que les agonies. Agonies dans le repos
7up est distribué par pepsi-cola
85 % du marché des boissons gazeuses non alcoolisées est détenu ici par coca-cola
La bataille fait rage dit-on outre-atlantique pour le contrôle de ce marché
Ici pepsi-cola aurait accepté une existence dans les marges
D’ici à ce que pepsi-cola devienne la boisson gazeuse non alcoolisée des marginaux…
Les repos dans l’agonie, dans l’agonie, dans l’agonie, dans l’agonie, l’agonie, l’agonie, l’agonie
Comme si aux frontières du réel, je vous parlais d’un aboiement du sous-réel
L’agonie des repos
/
Fric flic. Flic fric
Flic fric trique
Fric afrique
Trique afrique
Flic afrique fric
Le fric de l’afrique du flic de l’afrique de trique
Le flic du fric de l’afrique
Le fric du fric du flic de trique
L’afrique du flic du fric de l’afrique
Partout afrique partout trique
Le repos des agonies
Branches et cheveux tomberont ensemble sur la neige
Personne ne parlera en même temps
Pigeon nagera dans l’absolu
Quelques becs sabotés, quelques pattes de lumière
Tu sauras revenir de ce jour mal éclairé
Avec ou sans frelons
Quelques guêpes de romance avec ou sans dards
Comme une rivière tout au long des essences
Je croyais que c’était une main
Entourée de terre ou de feu
Une main ou une patte, ongles ou griffes
Un oiseau qui vole ou qui tombe
Une boule qui tourne ou qui gonfle
La queue avant ou après la tête
Que devient un vers de terre quand il est dans l’eau
Tourne-t-il ou s’enfuit-il
quand il passe par le feu et retourne dans la terre
A partir de quand peut-il avoir des dents
A partir de quand peut-il brûler ses dents en crachant du feu
A partir de quand peut-il les ronger en mangeant de la terre
La terre tremble et une aile tombe de la grande dans ma petite histoire
On s’y croise avec leïla et les autres
Les narines s’ouvrent, les peaux se plient et s’enfoncent dans les narines
Les chevaux et les vers dans la même terre
Un œil, une aile, un ventre dans ma maison qui s’engouffre dans la tienne
/
C’est toujours la fuite en attendant le dégel
LE SANG DE CES VACHES ANTIQUES
Autant de milliers de fois, autant de fins
Autant de défunts dans les inondations recyclées de la mer
Autant de cris, autant de sépultures
/
L’œil voit et mesure ce qu’il voit
La belle dormeuse, l’enjoliveuse
Comme une insomnie reptilienne
Innée
Immoler son corps dans le sang de l’espèce
À perpétuité. À gratuité
Passer outre les raisons, les démangeaisons
L’œil qui voit. Corps qui périclite
Comme une machination, comme une machine à saisons à repiquer les idées
Chieuses et fallacieuses
Comme une chute traversant l’eau
Dans le sang de ces vaches antiques
– L’Amérique médiévale n’existe pas, m’a-t-il dit d’un coup. Si vous n’êtes pas sûr de vos références, larguez-les ! Basta ! dans cette maison basse et bâtarde, avec tous ces cubes asymétriques. D’ici peu, une rafale vous enlèvera avec vos cubes, vos maisons, vos bâtards, vos bassesses, dans ce gris moribond
– Que disais-je d’autre ? Aucun rat dans les parages ? Je peux laisser mes saillies à volonté, alors ? L’or, l’or. L’or de qui ? Eh ! oui, toujours ce bâtard à tes basques. T’arrives pas à le déféquer en route
– Oui, décidément, je te retrouve à toutes les portes. Décidément, ce cheval cabré devant chaque porte. Mais vas-y, vas-y, dessine-moi une rose sur la joue de cette morte
Et ces panthères qui reviennent ronger leurs griffes sous tes paupières
– Oui, des chiens, des charnus, des bâtards. Oui, revenez tout en douceur. Il y a toutes sortes d’échelles ici, toutes sortes de sabots sur les mains de ces mendiants. Démolissez de nouveau. Maintenant, ramollissez. Et lissez de nouveau vos cheveux. Ah ! votre pied glisse, glisse sur cette face. Lisse. Mais hennissez de nouveau, vous êtes aux portes de l’Amérique, venue de loin. Loin de mes rêves qui glissent sous mes pieds. Mais j’oubliais. Décidément, il y a toujours une porte qu’on oublie. Et l’on vous oublie toujours devant une porte, avec ou sans chèvres
– Hé ! Homère qui vient de la mer. N’oublie pas ton troupeau. L’attente est longue devant cette porte. Il faut s’occuper et se nourrir de ses chèvres. Homère, parce qu’on ne revient pas de la mer si facilement
– Voilà, un pied cassé, une oreille mordue. Et même pas une morsure de chien. Que vont devenir nos chèvres ? Devant cette échelle oubliée, devant cette porte qui nous guette avec ses yeux d’Amérique
– Mais l’Amérique médiévale n’existe pas. Il faut le dire pour une fois que cette chèvre laisse son sabot entre nos mains. Vas-y, cher Homère, ronge ma famine devant cette porte, tandis que ta maison décrépit, tandis qu’elle grouille de toutes ses dents brisées et crachées
– Allez, crachez, crachez ! Vas-y, crache !
– Elle est bien bossue, cette échelle, elle te gravit à l’envers sans que tu puisses la descendre à l’endroit
– Mais oui, c’est d’abord les têtes qui tombent. Et toutes ces bombes ! rondes ! qui multiplient les têtes qui roulent à vos pieds comme une cascade. Hennissez à nouveau pour faire patienter vos chèvres
– Elles sont langoureuses, pas bavardes du tout. Elles font semblant de ruminer. Mais elles croient qu’elles auront des ailes et monteront par la cheminée. Et qu’elles chemineront au loin ! De toutes ces échelles. De toutes ces portes. De toutes ces aisselles d’Amérique
– Mais dans la mer, l’Amérique n’existait pas, cher Homère
– Voilà qu’un aboiement sec me fait tousser. Et tous ces bâtards dans cette maison à se briser le cou, à s’ébrécher dans le ruminement des chèvres qui ont vu tomber d’autres cous sous d’autres échelles
– Quel cou brisé ? Quelle fin, la fin d’Amérique ? Dans cette bouche médiévale ? Avec ce ventre ? Avec ce creux ? Cette vallée ne sera jamais remplie de têtes et de mouches
– Et ce pâtre d’Homère qui fait péter ses chèvres pour chauffer sa maison, et qui n’a même pas de ventilateur !
– Est-il venu sur la mer à pied ? Pour se découvrir la tête ici ? Devant cette maison d’Amérique qui n’a même pas de latrines ? Les chèvres toujours sur pattes ? Avec à chaque fois une autre paire de chaussures ? Ce pâtre qui n’a même pas vu de chameaux et déteste les chamelles !
Et pendant ce temps, Bessie Smith se mettait sur le ventre et disait : si tu veux, tu peux aller et venir entre mes bosses, mais tu ne peux pas entrer
Juste une petite, lui disais-je. Non, disait-elle, petite ou grande, une entrée est une entrée. Alors, tu restes à l’extérieur
Et tu revenais, mais tout ça est déjà dit. Les orteils, le pouce, l’index, l’ongle de l’auriculaire. Toutes ces pages déjà tournées. Ces cheveux déjà tombés. Ce ciel déjà avalé. Déjà retournés sur ces lèvres, ces mots. Ce sommeil, ce soleil dandinant sur ce buste aigri. Selon l’angle et la race. Une maison. Sur ce champ. Creusé si bas. À tes pieds
Avec ce regard comme autant de maux de tête répétés. Chacun couvant de ses regards l’œil caché de l’autre.
– Allez, allez, oublie que nous sommes mendiants ! Oublie que nous sommes devant cette porte. Oublie l’Amérique qui t’a devancé sur la terre même de tes troupeaux.
– Mais enfin, Homère, avec tous ces oublis, on ne pourra jamais franchir cette porte
Extrait, La langue mordue, Le Castor Astral, 2005