EXTRAITS DU TEXTE
…où l’homme ne loue plus les immortels qu’en soupirant sans cesse
Hölderlin.
de lumière un besoin de lumière
dans une obscurité un sentiment d’obscurité
un besoin de lumière grecque au vif argent des oliviers
d’une lumière équitable de sérénité apollinienne
dans une obscurité
où passe le noir de femmes endeuillées
un besoin d’ouvert de la lumière
Qu’arrive-t-il lorsque la vie se déserte ? questionne-t-elle. Quand la vie se déduit d’elle-même ? Et qu’elle éclabousse ou de sang ou de larmes. Lorsque les mots vont comme chat à la litière. Pisser un jet d’urine. Qu’il n’y a d’autre abri pour la parole que sa fuite. Un peu de sciure éparse autour de la boite. Dans la domestication de la conscience, quoi demeure ?
quand le regard ne tient plus qu’à un fil de désespérance il se couvre
et ce soleil mort qu’est le visage disparu
dans l’eau et le sable s’inversant l’ombre entre comme une clarté dans la demeure de l’être
le monde nos bouches se disputent son os
et la parole dans la nuitée de la parole
quand nul fantôme d’elle-même ne hante ironiquement la parole
c’est un grelottement du possible de vivre qui tressaute au bout du fil à plomb
Elle demande : que signifie l’absence qui s’étreint? Un trou noir de la conscience, tout son poids d’histoire l’incurvant et l’effondrant sur elle-même ? Cette conscience de chaussette retournée traînant sur un tapis qu’est en ce moment la nôtre à écouter. Vilaine affaire ! dit-elle.
Et je n’ai ni mots ni main de miracle pour faire éclore au talon usé
le trèfle de rédemption
Dans ce caquetage incessant – ce tintinnabulement de casserole à la remorque des camions (un grand silence le prend. Qui lui aussi est sombre)- y a-t-il une ridelle de jour? Un répit lucide dans la crampe des épaules pliées ? demande-t-elle. Ne serait-ce qu’une lime pour rogner un coin de clarté
l’ongle au bout des doigts qui casse c’est la fragilité de notre nuit
et je n’ai pas de réponse prête
(à aller comme un gant) à ses questions
La lumière n’est-elle que l’envers de la nuit ? demande-t-elle. Un caillot de l’immensité. Je dis l’éternité n’est pas l’immensité. Et c’est une pause sonore. Une respiration illusoire, mais, dans l’interstice des syllabes, se fissure quelques secondes le compact de la nuit de l’esprit
son cerne épais sur la dentelle de cette nuit légère bleutée cliquetante où se penche le corps accoudé au balcon
elle dit : ce n’est pas ce que je nomme nuit cette durée entre les doigts qui en pétrissent la pulpe
dedans le monde la nuit dit-elle mais peut-être je me trompe
ainsi sont les mots : dépeceurs de dépouille
et la nuit dont elle parle est un cadavre de la nuit. Une insignifiance grise. Une trahison de la nuit dans la bouche qui prononce en elle sa nuit.
Un besoin de lumière. Même bougies ou lumignons. Avec leur ombre soyeuse. Presque de bête. De petit félin nocturne au poil doux. Une coquille de lune s’écrase sur elle-même. Disparue dans le feuillage du prunier. Anecdote de l’œil au jardin. Sa cueillette nocturne. Une consolation pour elle qui questionne à la périphérie de toutes choses parce qu’il n’y a pas de centre où nommer la chute de la parole dans son nom.
Quand se rompt le câble de la conscience et que sa carcasse flotte sur l’eau du bassin où va l’eau fuyant en nous ? Qui va et où se déduit-on de soi-même? demande-t-elle.
Il n’y a pas d’âme à cette exfoliation
seulement la peur et l’avidité
ou le regret de ne pas passer bras dessus bras dessous le pont d’une rivière dans la joie des amants
ou la course d’un lévrier avec son corps maigre sous son poil long, le déhanchement excentrique du lévrier afghan qui revient apprivoiser la parole à la surprise.
je parle de toi et c’est une sorte de lumière
le vent dehors s’est tu baisse la voix, dit-elle, que j’écoute le vent. Ou la procession des fourmis sur le tronc de l’amandier. Ce qui vit est silencieux. Souvent sans cri. Et il ne naît rien de vif dans l’éparpillement qui nous submerge
si tu cueilles un mot à ma lèvre garde-le
Elle appelle, qui répond ? Au labyrinthe de l’oreille pas d’Ariane pour dérouler le fil. Et je suis pressée de finir ma phrase comme on finit de vivre. Dans l’encombrement pour ceux qui suivent et une fatigue d’encore attendre. Pas de monstres cachés sous les banquettes de skaï. Tous sont en nous. Au tic tac des poitrines. Et nous à leur mendier la place de dormir tranquille. Dans la surdité.
pendu aux 131 portiques le clou du regard fixe la voix à la voûte
un besoin de lumière à hauteur de la lumière
au larynx une spirale de cendre à l’évier celle de l’eau qui brasse miettes et épluchures
parfois je dis ce sont des couronnes d’iris ou d’arums dans leur cornet surprise de papier roulé sur leur gros pistil jaune une antenne à parole perdue un phallus de fleurs
et le pollen se pose au pourtour de son rire dans la familiarité des mots
mais plus loin au delà de la porte ils désertent
et sur le paillasson la poussière de tant de pas
dans l’absence de route
Un escalier conduit dans la rue. La rue à l’avenue commerçante. Puis en banlieue. Puis, au delà du périphérique, dans une campagne de chaumes. Où allons-nous ? demande-t-elle. Des crêtes de clarté se ruent à la pupille et je regarde sans voir. Plutôt j’écoute, yeux fermés, le vide de la rue le soir et un à peine de vent dans les blés coupés sous le vrombissement des moteurs de l’autoroute.
Parfois rivières, prés, montagnes, glaciers, forêts, lacs surgissent à l’arcade de l’os. Amples. Dans une sorte d’éternité. Ou d’apothéose. Un panier de vie. Puis ils s’effacent
et demeure le défigurement
Souffrir n’est pas savoir je dis. Pas même une échappée verticale.
c’est simplement inutile
force et beauté sont sans promesse ni quête
simplement à main nue
le cœur bat dans le clapet de l’oeil
horloge intime qui ne porte nulle autre ailleurs que celui du temps qui s’écoule
lueur minime entre les feuilles des pousses, la terre labourée et son écorce sèche à l’arête des sillons, il n’y a pas de quoi désespérer, je dis, posant la bêche contre mon genou, ce n’est qu’une vie avec ses colères, ses craintes, son tâtonnement
et à chercher le vrai elle peine
à poser en elle l’assise
jambes croisées en posture de yogi avec juste une douleur de ligaments à la torsion de la cheville remontée sur le début du mollet
droite la colonne d’air qui va du ventre au centre du crâne bien ouverte
pour que s’expulse l’âme vers son envolée
et sa sagaie de sarbacane je la souffle par les pores
sages les paroles de sagesse mais au delà de leur fraîcheur au front rien que la serviette humide de sueur roulée sur la chaise
une voix qui pulse en tout ailleurs
et son besoin de lumière en bout de langue comme les 22 lettres à celle du patriarche
paroles à respirer quand le souffle est court et l’espérance un effort trop grand pour une fatigue quotidienne qui monte marche à marche les escaliers du métro en fin de journée dans la lassitude et parfois l’amertume
Un besoin de et son hamac tendu
où s’allonger dans le pépiement des merles et des mésanges
le métronome du pic vert comme une façon oiseau de dire toi dans l’épaisseur du monde
Vers où cette écoute de l’entier de tout ? demande-t-elle. Est-ce qu’elle suffit à chasser la Ténèbre ? A assécher le sang, à laver la souillure de nos croyances ? A ramener taper au carreau le bonheur d’exister ?
qui déchirera la rétine de nuit qui rabat nos visages sur leur ombre
et quel mazout pour l’hiver de la lumière
qui serons-nous dans dix millions d’années
tête pendue au cou à l’encolure de l’oubli
un coup de lumière comme un talon frappant la vase du fond de l’eau
nageoires déployées
mon ange, dis, ma vie, tout à coup, le ciel pour nous et la lumière égale
sans déduction
même si l’eau est muette
tout à coup la nudité des corps
et une souveraine indécence tout à coup dressée
tout à coup l’espace
et le souffle aux 77 noms dans les nombrils accolés
je dis nos lèvres portent la malveillance des dieux et leur malédiction
qu’ils s’écroulent à jamais dans les ronciers
sceptre en gloire émergeant des joncs et des iris
bus par la boue de nos bouches nos dieux décapités
Une pomme mûre tombe dans la flaque qui cercle le tronc fraîchement arrosé. Elle s’y lave de tout avenir. Et va pourrir dans l’eau. A moins que des doigts ne la ramassent et ne la portent au palais tiède de soleil et d’eau croupie. Avec, dans son goût de pomme sûre, un insecte qui se faufile par les talures de la peau.
Un canif de lumière. Pour détacher la pétiole du fruit. Nos dieux de notre humanité.
et faire nuit paisible dans l’odeur d’aloès et d’eucalyptus
dans le blanc de la mer
où tremble un chemin de lune qui ne mène nulle part ailleurs qu’à son scintillement d’étoiles humides
orphelins enfin
peau de caïman posée sur le fauteuil une simple robe de chambre et pas d’autre mystère à explorer que celui des paupières qui se ferment
dans le chant celui la langue coupée
à l’œil le guet
entre mérite et démérite le fléau de la règle pesant les immortels
et la voix taille les mots dans leur attente
Ce soir là … ainsi commence l’histoire et sa fin reste intacte. C’est un timbre d’alto. Une note aigue de klaxon. Un sifflement de la bise. Un roulement de tari. Un fracas d’éclair. Dans la bosse des chameaux une eau à inonder le désert. Ma tête sur le billot, il n’y a rien qui ne soit faux dans nos histoires, rien qui ne soit vrai dans nos fables. Cela dit, cycliquement, des hommes en décapitent d’autres ou enterrent leurs femmes dans le sable. Et cela simplement. Comme on troque un tissu. Comme on barde une pièce de bœuf. Sans remords ni inquiétude. Ni sauvagement. Ni innocemment. Parfois dans une sorte d’extase divine de la mort. C’est humanité commune. Un vieil héritage de raptor et de tyrannosaure
et ceux que cela révulse se figent dans un isolement hébété d’herbivore
Aux questions des questions. A l’humain l’inhumain. Deux coquilles de castagnettes qui tintinnabulent l’insignifiance et le terrible. Vers où allons-nous dans l’aveuglement et l’indifférence? demande t-elle. Et c’est une voix enfantine qui murmure à ses lèvres, car pour le reste, c’est groin de porc par où transite la parole.
un chiffon de lumière
pour faire rendre gorge à la malédiction
et que vibrent d’autres cordes que celles des pendus dans la pierre invisible du vide
un besoin de terre sur nous. Pour enterrer l’entier de notre histoire. D’une terre lourde. Charnue. Sexuelle. D’une belle terre ventrue de femelle, d’une bonne terre de mâle couillu se remettant au monde dans le poil du seigle de mer
et nous avec cul lavé par le jusant
un besoin d’oreille pour entendre la lumière
arc et calebasse (sa voltige ondulante de photons et de quarks
son petit pas menu quand au lever du jour un pied d’enfant ou de vieille trottine sur les taches de jour glissées dans la pénombre du feuillage)
et que les yeux se ferment au désastre de voir
un événement une annonciation sans miracle
une éternité sans suite enfin la fin
et la mamelle de la terre retournée sur elle-même en récipient mental où recevoir la connaissance même si au fond du bol la lie d’un vin de jouvence déjà bu
trop tard pour une écoute
le piétinement, les mains en conque autour du lobe, ohé, ohé vivants de quel côté du réel posez-vous le mot qui le dit ?
l’effroi et la terreur ne sont que du nôtre et que nôtres
ailleurs la nuit est douce la terre meuble le lumen des galaxies continué
pour l’intervalle où se love une vie – roulée en bolet sous la mousse ou à son muscle tendu de cuisse à la course - il suffit d’un rai de lumière griffant la vitre
éclat de phare, lueur d’un lampadaire - les étoiles trop loin pour faire signe- il suffit d’une allumette, d’une lampe de poche, de l’aura bleutée d’un portable allumé, de la rencontre de lucioles et de phares, les unes écrasés sur les autres ou explosant en étincelles sur le pare-brise avec les essuie-glace qui, le matin, nettoient leurs traces rosâtres pour que les ordres se mêlent de nouveau et que ne se puisse séparer ce que nous sommes de ce que nous sommes
une voix dit je t’aime dans un portable coincé entre la joue et l’épaule tandis que les mains s’affairent à nettoyer les ailes d’insectes morts grésillant sur le capot du moteur
et c’est ainsi
même si les paroles préfèrent papillonner autour d’une même corolle – et ce serait amants au champ de coquelicots - ce n’est pas et il se pose tout ensemble l’ensemble de tout. Les aulnes avec leurs tarins. Le roucoulement des pigeons avec leur carcasse mangée de fourmis rouges dans les poubelles des squares.
à l’arrière train du langage un âne peut braire d’amour
paix dans l’engorgement des paroles impatientes
rien ne dit rien de plus qu’une existence et sa limpidité
unique et circonscrite à l’infime et au vaste
En marche ! Allez ! Au trot ! Marsch ! Zack ! Heil !
la mort sent le formol et la viande avariée la guerre la poussière de placoplâtre
le peu de chair qui reste aux lèvres égrène encore un mantra de baisers
petit serpent véloce viens piquer le sein dénudé
que le nom disparaisse dans la chair
nimbus chargé de pluie quand rien n’aura plus lieu de ce que je connais
et ce sera la délivrance
grelottent les cloches au cou des mules. L’abattoir n’est pas plus loin que le sommet. Ils se rejoignent dans l’union trismégiste des contraires. La bouse de bique sera changée en or par Nicolas Flamel et le chemin des cimes s’ouvre sur la Montjoie des pérégrins. La force de l’amour nous fera tous renaître entre les lèvres roses de l’orchidée pyramidale. Elle demande : Qu’est-ce que tu racontes ?
et je caresse sa joue du regard
allant le mot à son attente inventive au clinamen du visage
nos voix couchées en nous
avec l’envie de vivre comme un mot sur la langue
à déglutir les multiples de l’univers
pour un repos repus et consumé
Dans les vignes une pie et sur la table les œufs, la ciboulette, le dé de lait et une pincée de farine. Une cuillère de bois pour touiller le tout d’une rotation rapide du poignet.
la table est mise l’huile fume dans la poële
il se murmure encore quelque chose au col de l’horizon
au revers de rayons délavés dans le noir - une sorte de pli accueillant l’indicible- mais rien n’éclôt sans aile au nid des mots
deux pierres bâtissent deux maisons et sept pierres plus de cinq mille c’est à partir de là qu’il faut compter
admettons que la parole ait force de quasar dans une langue où les langues finissent et qu’elle suffise à inventer d’autres soleils avant que le nôtre ne vire naine noire
je passerai mon besoin de lumière dans le ressassement de la langue jointe grains par grains à elle-même
à démêler la filasse noueuse des bouées à tondre la plume des oisillons pour un duvet d’innocence
mais ce que j’invente ainsi de ma vie a déjà eu lieu
il lui reste l’éternité pour se défaire
demain s’en va me rejoindre
ici maintenant un corps penché à la fenêtre écoute la nuit
son besoin de lumière en elle s’assouvit
Claude Ber
Revue Nu(e ) n° 42 novembre 2009
Hölderlin.
de lumière un besoin de lumière
dans une obscurité un sentiment d’obscurité
un besoin de lumière grecque au vif argent des oliviers
d’une lumière équitable de sérénité apollinienne
dans une obscurité
où passe le noir de femmes endeuillées
un besoin d’ouvert de la lumière
Qu’arrive-t-il lorsque la vie se déserte ? questionne-t-elle. Quand la vie se déduit d’elle-même ? Et qu’elle éclabousse ou de sang ou de larmes. Lorsque les mots vont comme chat à la litière. Pisser un jet d’urine. Qu’il n’y a d’autre abri pour la parole que sa fuite. Un peu de sciure éparse autour de la boite. Dans la domestication de la conscience, quoi demeure ?
quand le regard ne tient plus qu’à un fil de désespérance il se couvre
et ce soleil mort qu’est le visage disparu
dans l’eau et le sable s’inversant l’ombre entre comme une clarté dans la demeure de l’être
le monde nos bouches se disputent son os
et la parole dans la nuitée de la parole
quand nul fantôme d’elle-même ne hante ironiquement la parole
c’est un grelottement du possible de vivre qui tressaute au bout du fil à plomb
Elle demande : que signifie l’absence qui s’étreint? Un trou noir de la conscience, tout son poids d’histoire l’incurvant et l’effondrant sur elle-même ? Cette conscience de chaussette retournée traînant sur un tapis qu’est en ce moment la nôtre à écouter. Vilaine affaire ! dit-elle.
Et je n’ai ni mots ni main de miracle pour faire éclore au talon usé
le trèfle de rédemption
Dans ce caquetage incessant – ce tintinnabulement de casserole à la remorque des camions (un grand silence le prend. Qui lui aussi est sombre)- y a-t-il une ridelle de jour? Un répit lucide dans la crampe des épaules pliées ? demande-t-elle. Ne serait-ce qu’une lime pour rogner un coin de clarté
l’ongle au bout des doigts qui casse c’est la fragilité de notre nuit
et je n’ai pas de réponse prête
(à aller comme un gant) à ses questions
La lumière n’est-elle que l’envers de la nuit ? demande-t-elle. Un caillot de l’immensité. Je dis l’éternité n’est pas l’immensité. Et c’est une pause sonore. Une respiration illusoire, mais, dans l’interstice des syllabes, se fissure quelques secondes le compact de la nuit de l’esprit
son cerne épais sur la dentelle de cette nuit légère bleutée cliquetante où se penche le corps accoudé au balcon
elle dit : ce n’est pas ce que je nomme nuit cette durée entre les doigts qui en pétrissent la pulpe
dedans le monde la nuit dit-elle mais peut-être je me trompe
ainsi sont les mots : dépeceurs de dépouille
et la nuit dont elle parle est un cadavre de la nuit. Une insignifiance grise. Une trahison de la nuit dans la bouche qui prononce en elle sa nuit.
Un besoin de lumière. Même bougies ou lumignons. Avec leur ombre soyeuse. Presque de bête. De petit félin nocturne au poil doux. Une coquille de lune s’écrase sur elle-même. Disparue dans le feuillage du prunier. Anecdote de l’œil au jardin. Sa cueillette nocturne. Une consolation pour elle qui questionne à la périphérie de toutes choses parce qu’il n’y a pas de centre où nommer la chute de la parole dans son nom.
Quand se rompt le câble de la conscience et que sa carcasse flotte sur l’eau du bassin où va l’eau fuyant en nous ? Qui va et où se déduit-on de soi-même? demande-t-elle.
Il n’y a pas d’âme à cette exfoliation
seulement la peur et l’avidité
ou le regret de ne pas passer bras dessus bras dessous le pont d’une rivière dans la joie des amants
ou la course d’un lévrier avec son corps maigre sous son poil long, le déhanchement excentrique du lévrier afghan qui revient apprivoiser la parole à la surprise.
je parle de toi et c’est une sorte de lumière
le vent dehors s’est tu baisse la voix, dit-elle, que j’écoute le vent. Ou la procession des fourmis sur le tronc de l’amandier. Ce qui vit est silencieux. Souvent sans cri. Et il ne naît rien de vif dans l’éparpillement qui nous submerge
si tu cueilles un mot à ma lèvre garde-le
Elle appelle, qui répond ? Au labyrinthe de l’oreille pas d’Ariane pour dérouler le fil. Et je suis pressée de finir ma phrase comme on finit de vivre. Dans l’encombrement pour ceux qui suivent et une fatigue d’encore attendre. Pas de monstres cachés sous les banquettes de skaï. Tous sont en nous. Au tic tac des poitrines. Et nous à leur mendier la place de dormir tranquille. Dans la surdité.
pendu aux 131 portiques le clou du regard fixe la voix à la voûte
un besoin de lumière à hauteur de la lumière
au larynx une spirale de cendre à l’évier celle de l’eau qui brasse miettes et épluchures
parfois je dis ce sont des couronnes d’iris ou d’arums dans leur cornet surprise de papier roulé sur leur gros pistil jaune une antenne à parole perdue un phallus de fleurs
et le pollen se pose au pourtour de son rire dans la familiarité des mots
mais plus loin au delà de la porte ils désertent
et sur le paillasson la poussière de tant de pas
dans l’absence de route
Un escalier conduit dans la rue. La rue à l’avenue commerçante. Puis en banlieue. Puis, au delà du périphérique, dans une campagne de chaumes. Où allons-nous ? demande-t-elle. Des crêtes de clarté se ruent à la pupille et je regarde sans voir. Plutôt j’écoute, yeux fermés, le vide de la rue le soir et un à peine de vent dans les blés coupés sous le vrombissement des moteurs de l’autoroute.
Parfois rivières, prés, montagnes, glaciers, forêts, lacs surgissent à l’arcade de l’os. Amples. Dans une sorte d’éternité. Ou d’apothéose. Un panier de vie. Puis ils s’effacent
et demeure le défigurement
Souffrir n’est pas savoir je dis. Pas même une échappée verticale.
c’est simplement inutile
force et beauté sont sans promesse ni quête
simplement à main nue
le cœur bat dans le clapet de l’oeil
horloge intime qui ne porte nulle autre ailleurs que celui du temps qui s’écoule
lueur minime entre les feuilles des pousses, la terre labourée et son écorce sèche à l’arête des sillons, il n’y a pas de quoi désespérer, je dis, posant la bêche contre mon genou, ce n’est qu’une vie avec ses colères, ses craintes, son tâtonnement
et à chercher le vrai elle peine
à poser en elle l’assise
jambes croisées en posture de yogi avec juste une douleur de ligaments à la torsion de la cheville remontée sur le début du mollet
droite la colonne d’air qui va du ventre au centre du crâne bien ouverte
pour que s’expulse l’âme vers son envolée
et sa sagaie de sarbacane je la souffle par les pores
sages les paroles de sagesse mais au delà de leur fraîcheur au front rien que la serviette humide de sueur roulée sur la chaise
une voix qui pulse en tout ailleurs
et son besoin de lumière en bout de langue comme les 22 lettres à celle du patriarche
paroles à respirer quand le souffle est court et l’espérance un effort trop grand pour une fatigue quotidienne qui monte marche à marche les escaliers du métro en fin de journée dans la lassitude et parfois l’amertume
Un besoin de et son hamac tendu
où s’allonger dans le pépiement des merles et des mésanges
le métronome du pic vert comme une façon oiseau de dire toi dans l’épaisseur du monde
Vers où cette écoute de l’entier de tout ? demande-t-elle. Est-ce qu’elle suffit à chasser la Ténèbre ? A assécher le sang, à laver la souillure de nos croyances ? A ramener taper au carreau le bonheur d’exister ?
qui déchirera la rétine de nuit qui rabat nos visages sur leur ombre
et quel mazout pour l’hiver de la lumière
qui serons-nous dans dix millions d’années
tête pendue au cou à l’encolure de l’oubli
un coup de lumière comme un talon frappant la vase du fond de l’eau
nageoires déployées
mon ange, dis, ma vie, tout à coup, le ciel pour nous et la lumière égale
sans déduction
même si l’eau est muette
tout à coup la nudité des corps
et une souveraine indécence tout à coup dressée
tout à coup l’espace
et le souffle aux 77 noms dans les nombrils accolés
je dis nos lèvres portent la malveillance des dieux et leur malédiction
qu’ils s’écroulent à jamais dans les ronciers
sceptre en gloire émergeant des joncs et des iris
bus par la boue de nos bouches nos dieux décapités
Une pomme mûre tombe dans la flaque qui cercle le tronc fraîchement arrosé. Elle s’y lave de tout avenir. Et va pourrir dans l’eau. A moins que des doigts ne la ramassent et ne la portent au palais tiède de soleil et d’eau croupie. Avec, dans son goût de pomme sûre, un insecte qui se faufile par les talures de la peau.
Un canif de lumière. Pour détacher la pétiole du fruit. Nos dieux de notre humanité.
et faire nuit paisible dans l’odeur d’aloès et d’eucalyptus
dans le blanc de la mer
où tremble un chemin de lune qui ne mène nulle part ailleurs qu’à son scintillement d’étoiles humides
orphelins enfin
peau de caïman posée sur le fauteuil une simple robe de chambre et pas d’autre mystère à explorer que celui des paupières qui se ferment
dans le chant celui la langue coupée
à l’œil le guet
entre mérite et démérite le fléau de la règle pesant les immortels
et la voix taille les mots dans leur attente
Ce soir là … ainsi commence l’histoire et sa fin reste intacte. C’est un timbre d’alto. Une note aigue de klaxon. Un sifflement de la bise. Un roulement de tari. Un fracas d’éclair. Dans la bosse des chameaux une eau à inonder le désert. Ma tête sur le billot, il n’y a rien qui ne soit faux dans nos histoires, rien qui ne soit vrai dans nos fables. Cela dit, cycliquement, des hommes en décapitent d’autres ou enterrent leurs femmes dans le sable. Et cela simplement. Comme on troque un tissu. Comme on barde une pièce de bœuf. Sans remords ni inquiétude. Ni sauvagement. Ni innocemment. Parfois dans une sorte d’extase divine de la mort. C’est humanité commune. Un vieil héritage de raptor et de tyrannosaure
et ceux que cela révulse se figent dans un isolement hébété d’herbivore
Aux questions des questions. A l’humain l’inhumain. Deux coquilles de castagnettes qui tintinnabulent l’insignifiance et le terrible. Vers où allons-nous dans l’aveuglement et l’indifférence? demande t-elle. Et c’est une voix enfantine qui murmure à ses lèvres, car pour le reste, c’est groin de porc par où transite la parole.
un chiffon de lumière
pour faire rendre gorge à la malédiction
et que vibrent d’autres cordes que celles des pendus dans la pierre invisible du vide
un besoin de terre sur nous. Pour enterrer l’entier de notre histoire. D’une terre lourde. Charnue. Sexuelle. D’une belle terre ventrue de femelle, d’une bonne terre de mâle couillu se remettant au monde dans le poil du seigle de mer
et nous avec cul lavé par le jusant
un besoin d’oreille pour entendre la lumière
arc et calebasse (sa voltige ondulante de photons et de quarks
son petit pas menu quand au lever du jour un pied d’enfant ou de vieille trottine sur les taches de jour glissées dans la pénombre du feuillage)
et que les yeux se ferment au désastre de voir
un événement une annonciation sans miracle
une éternité sans suite enfin la fin
et la mamelle de la terre retournée sur elle-même en récipient mental où recevoir la connaissance même si au fond du bol la lie d’un vin de jouvence déjà bu
trop tard pour une écoute
le piétinement, les mains en conque autour du lobe, ohé, ohé vivants de quel côté du réel posez-vous le mot qui le dit ?
l’effroi et la terreur ne sont que du nôtre et que nôtres
ailleurs la nuit est douce la terre meuble le lumen des galaxies continué
pour l’intervalle où se love une vie – roulée en bolet sous la mousse ou à son muscle tendu de cuisse à la course - il suffit d’un rai de lumière griffant la vitre
éclat de phare, lueur d’un lampadaire - les étoiles trop loin pour faire signe- il suffit d’une allumette, d’une lampe de poche, de l’aura bleutée d’un portable allumé, de la rencontre de lucioles et de phares, les unes écrasés sur les autres ou explosant en étincelles sur le pare-brise avec les essuie-glace qui, le matin, nettoient leurs traces rosâtres pour que les ordres se mêlent de nouveau et que ne se puisse séparer ce que nous sommes de ce que nous sommes
une voix dit je t’aime dans un portable coincé entre la joue et l’épaule tandis que les mains s’affairent à nettoyer les ailes d’insectes morts grésillant sur le capot du moteur
et c’est ainsi
même si les paroles préfèrent papillonner autour d’une même corolle – et ce serait amants au champ de coquelicots - ce n’est pas et il se pose tout ensemble l’ensemble de tout. Les aulnes avec leurs tarins. Le roucoulement des pigeons avec leur carcasse mangée de fourmis rouges dans les poubelles des squares.
à l’arrière train du langage un âne peut braire d’amour
paix dans l’engorgement des paroles impatientes
rien ne dit rien de plus qu’une existence et sa limpidité
unique et circonscrite à l’infime et au vaste
En marche ! Allez ! Au trot ! Marsch ! Zack ! Heil !
la mort sent le formol et la viande avariée la guerre la poussière de placoplâtre
le peu de chair qui reste aux lèvres égrène encore un mantra de baisers
petit serpent véloce viens piquer le sein dénudé
que le nom disparaisse dans la chair
nimbus chargé de pluie quand rien n’aura plus lieu de ce que je connais
et ce sera la délivrance
grelottent les cloches au cou des mules. L’abattoir n’est pas plus loin que le sommet. Ils se rejoignent dans l’union trismégiste des contraires. La bouse de bique sera changée en or par Nicolas Flamel et le chemin des cimes s’ouvre sur la Montjoie des pérégrins. La force de l’amour nous fera tous renaître entre les lèvres roses de l’orchidée pyramidale. Elle demande : Qu’est-ce que tu racontes ?
et je caresse sa joue du regard
allant le mot à son attente inventive au clinamen du visage
nos voix couchées en nous
avec l’envie de vivre comme un mot sur la langue
à déglutir les multiples de l’univers
pour un repos repus et consumé
Dans les vignes une pie et sur la table les œufs, la ciboulette, le dé de lait et une pincée de farine. Une cuillère de bois pour touiller le tout d’une rotation rapide du poignet.
la table est mise l’huile fume dans la poële
il se murmure encore quelque chose au col de l’horizon
au revers de rayons délavés dans le noir - une sorte de pli accueillant l’indicible- mais rien n’éclôt sans aile au nid des mots
deux pierres bâtissent deux maisons et sept pierres plus de cinq mille c’est à partir de là qu’il faut compter
admettons que la parole ait force de quasar dans une langue où les langues finissent et qu’elle suffise à inventer d’autres soleils avant que le nôtre ne vire naine noire
je passerai mon besoin de lumière dans le ressassement de la langue jointe grains par grains à elle-même
à démêler la filasse noueuse des bouées à tondre la plume des oisillons pour un duvet d’innocence
mais ce que j’invente ainsi de ma vie a déjà eu lieu
il lui reste l’éternité pour se défaire
demain s’en va me rejoindre
ici maintenant un corps penché à la fenêtre écoute la nuit
son besoin de lumière en elle s’assouvit
Claude Ber
Revue Nu(e ) n° 42 novembre 2009
ANNONCE REVUE NUE
REVUE NUE
La revue Nu(e), dirigée par Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio, espace éditorial où s’expérimente la poésie, lieu de travail, de correspondance, est le lieu de l’exercice de l’amitié au sens où l’entend Blanchot.
Son prochain numéro, coordonné par Arnaud Beaujeu, réunit dans un volume de 3oo pages les textes, encres et dessins de 25 poètes et/ou peintres contemporains :
Mobiles, insaisissables, les ombres d’une flamme ou les dessins d’une vague, les poèmes.
(Pierre Dhainaut) ;
Marielle Anselmo, Daniel Aranjo, Catherine Barnabé, Albertine Benedetto, Arnaud Beaujeu, Claude Ber, Stello Bonhomme, Martine Broda, Dominique Cerbelaud, Jean-Louis Clarac, Kévin Contini, Eric Dazzan, Pierre Dhainaut, Thérèse Dufrêne, Alexandre Eyriès, Régis Lefort, Damien Lopez, Marcel Migozzi, Bruno Niver, Angèle Paoli, Patrick Quillier, Isabelle Raviolo, Dominique Sorrente, Thomas Vercruysse, Nicolas Waquet
Lorsque l’enfant était enfant
Il savait d’un trait
Enchanter le papier
(Isabelle Raviolo)
Pour ce quarante-deuxième numéro, la revue organise une souscription.
Le volume peut être obtenu au prix promotionnel de 18 euros en renvoyant le talon ci-dessous, avant le 31 décembre 2009. Après cette date, la revue sera en vente au prix normal de 20 €.
____http://revue-nue.org/________________________________________________________
Mme/M. :
Adresse :
Souhaite : …… exemplaire(s) du numéro de la revue Nu(e) n°42.
et paie ce jour le montant de …… x 18 € (+ 2 € de frais de poste), soit au total ……. € à l’ordre de l’Association Nu(e), avec la mention : « Souscription Anthologie » :
• pour la France : par chèque, c/o Béatrice Bonhomme, 29 avenue Primerose, 06000 NICE
• pour les autres pays : par virement au compte de l’Association Nu(e) - IBAN : FR76 1831 5100 0004 2667 9641 539 - BIC : CEPAFRPP831.
La réception du paiement donne lieu de réservation.
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