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09/02/2011



L'invité du mois

Dominique SORRENTE



BIOBIBLIOGRAPHIE

Entre l’humeur chahuteuse du clown,
la sainte folie du baiser
et la lente sagesse des arbres,
n’hésite pas un seul instant.

Choisis les trois.



Dominique Sorrente vit la plupart du temps à Marseille. Son œuvre, aux registres variés, se présente à la manière d’un journal de bord. Dans le sillon des traversées, elle emprunte volontiers à l’art du kaléidoscope, mêlant tonalités graves et souriantes, plaisir narratif et ferveur mélodique, évocation du quotidien intime, quête métaphysique et humour impressionniste. Une voix où la veine troubadour n’est jamais absente.
Depuis Citadelles et Mers (Sud, 1978), Dominique Sorrente a publié une vingtaine de livres récompensés notamment par les prix Guy Levis Mano, Antonin Artaud, Luc.Bérimont, Georges Perros. Aujourd’hui, Dominique Sorrente développe sa pratique créatrice dans trois directions qui se font écho : la chanson, la micro-fiction et la poésie.
En tant que passeur de poésie, il propose des lectures, rencontres, scènes ouvertes, notamment à travers le Scriptorium, un collectif de poésie qu’il a fondé en 1999 à Marseille. Ce lieu-dit « d’intermittents de la parole » propose des gestes et des moments à plusieurs voix ( caravane, tablée, intervalles, jumelages, sieste poétique...) qui sont autant d’occasions de court-circuiter les cérémonies de jeux de rôle, croiser à plusieurs les mots à ciel ouvert.


Quelques publications :
Pays sous les continents, anthologie personnelle (1978-2008), MLD, 2008
Tu dis : rejoindre le fleuve, Tipaza 2016
Les gens comme ça va, Cheyne 2017
Livre CD « B comme Bran », édition Le Scriptorium, 2017
CD Les jours mimosas, Uptown, 2018

Spectacles en cours :
Deux spectacles en cours créés avec la poète et slameuse Marie Ginet « Nord Sud où vont les fleuves » et « Zig zag déclame » ( contact production : La Générale d’Imaginaire)

Concert « promenade poétique et musicale » avec Les Ivres Vivants ( Dominique Sorrente, Lionel Mazari et Audrey Gambassi) – contact-production : Le Scriptorium






EXTRAITS

Résolution

Finie
la mascarade des accablés.

C’est l’heure de tomber
du bon côté de la biscotte,
l’heure d’affoler le chat noir
avec une escouade de souris insolentes
et de subtiliser l’échelle
sous laquelle passe la fatalité poussiéreuse.

Si tu as mal au pied, fracasse ton épaule,
dit le conseil du jour ; tu verras
comment blêmit ta première douleur.

Commence ta journée sur l’écorce d’un verbe
à tailler tes lettre de sève et d’or.

Pour le reste, écoute
et regarde
et surtout respire,
respire ce brin d’herbe, en répétant avec l’écho :
ceci est ma première volonté.



Les vaches ne mentent pas


Vous croyez que la vache est un sujet qui appartient à tout le monde ?

Mais elle n’est pas là pour meubler votre temps.
Comprenez-vous cela ?

Elle a bien d’autres missions de bords de ruisseaux
et de tumulus à accomplir.

Alors juste, l’accompagner, à distance,
la laisser faire, surtout.

*


Elle ne restera pas longtemps seule.

Elle s’est fait tatouer un séisme sur le dos.
Sa voisine de champ se souvient du matin
où a débordé la fontaine.

Quand elle se met en figure groupée avec les autres
du troupeau,
elles forment un secret d’anneaux
pris au cœur de l’orage.

*

Les voraces que nous connaissons tous
dès que la table est mise, les voraces
récitent :
le milieu de poitrine,
le collier,
l’aloyau,
la culotte et le gros bout,

un peu comme les chirurgiens prêts à vous découper
les entrailles.

Toi, tu plaides seulement pour une silhouette
d’un monde parallèle
allongé dans la nuit.

*


Les cornes pointent vers les nuages,
sachant qu’elles ne les toucheront jamais.

Les sabots tassent la terre.

Les yeux sont recueillis
et se dérobent à la vue.

Les pis extravagants à l’horizon de la flaque
balancent dans le reflet de la rivière.

La queue s’arc-boute pour le temps de l’office
excrémentiel.

Avec tout ça, vous voudriez encore
suivre les gestes futiles de ceux qui
dessoudent le monde ?


*


Ce fut un meuglement de prisonnière au fond de l’étable.

Quand il s’est étiré vers minuit,
on n’a pas su bien déchiffrer le signal
de tout ce qui s’enfonce dans la terre,
le pleurs de l’enfance arrachée.

Le pressentiment de la mort a couru la campagne.

Elle n’a pas fini, encore aujourd’hui,
de regarder les hommes
de ses yeux vides.

Entre malédiction et aube qui pointe.

Vides pour qu’un blanc se fasse.

*

Elle voudrait parfois nous apprendre à tous
à brouter.

Si seulement
on acceptait d’entrer dans l’enclos
autrement qu’en maîtres des barrières,
si seulement
on choisissait
d’élire domicile et de migrer
d’un coin d’herbe à un autre.

Champ de divagation lente.

*
Le champ
est fait de boutons d’or,
de mouches tenaces.
Les uns caressent les sabots, les autres
entreprennent la croupe et les oreilles.

Lorsqu’on quitte le champ pour l’étable,
c’est comme partir à la tâche, au turbin.

Les mouches se croient obligées de faire transhumance,
les boutons d’or en profitent pour
préparer des lendemains qui veulent apprendre
à chanter.
*


Une fois dans votre existence,
fixez, je vous en prie,
fixez les narines d’une vache.
Fixez-les, une à deux minutes,
et sans éternuer, je vous prie.

Le temps de sentir l’air
et comment il circule,
comment il remonte à l’origine du souffle.

Tout près du bloc de sel.

*


Vous l’a-t-on dit, c’est une vache
qui sonna de la corne à Roncevaux
quand Roland était enroué.

C’en est une autre
qui soudoya le garde-frontière
pour embarquer Bran vers l’île aux Pommiers.

Thèbes fut fondée par une vache qui s’était arrêtée, épuisée par sa route.


Celle que j’ai rencontrée ce matin
avait ruminé toute la vitesse du monde.
Elle n’avait gardé que sa robe
pour être belle sous mon regard.

*


Si on te déposait au milieu du troupeau,
tu n’en mènerais pas large.

Tu te méfierais d’un coup de pied latéral
ou oblique bien appliqué ou même
d’un fouettage de queue sur le visage.

Tu chercherais dans la mêlée
où se trouve ta nourrice attitrée et le pis qui t’est réservé.

Dans cette errance, tu te ferais peut-être des compagnes de pâturage.

*



Moi, j’en reviens toujours aux vaches,
à la nuit dans les yeux des vaches
qui ont leur séjour sur la berge.

Il me faut d’abord m’en approcher,
les regarder pour qu’elles tournent leurs têtes,
posent un regard qui en dit long,
ou plutôt large, ou plutôt qui m’appelle
dans une profondeur vitreuse.

Un regard d’absentes, d’avant les cataclysmes
et les quintes de toux, d’avant les rages de dents
et mises au pilori.

Je fixe l’objectif. Elles me renvoient un moment
de lenteur.

*

Puis je me remets à marcher.

Elles pivotent leurs yeux pour tenir le contact,
quelques minutes encore.
Quand je me serai affranchi de leur espace d’existence, elles inclineront à nouveau
la tête vers le dieu du sol,
arracheront leur dose d’herbe
pour initier la cérémonie de la mâche.

Plus tard viendra le temps de la rumination.

Où serai-je ? À mâcher un au - revoir,
à contempler leurs mamelles pleines
à l’arrière du convoi, à mesurer leurs pis prêts à céder
à la main vigoureuse qui libèrera leur lait bienheureux
de nourrice.

*

Je marcherai déjà plus loin
en compagnie des limaces noires,
au bord du défilé des coquelicots,
le long du fleuve de toujours.

Mais parfois il m’arrivera sûrement
de tourner la tête sans imbécile remords
pour scruter la pose de mes déesses
qui de leurs yeux me ramènent au pré.

Pour une ultime leçon d’intelligence sensible,
de compréhension muette entre espèces,
n’ayons plus peur des mots,
« d’ empathie bovidée »,
discipline de l’esprit
heureusement tenue
hors de portée de la science actuelle.



Mardi 3 Mai 2022
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ANTHOLOGIES ET PUBLICATIONS COLLECTIVES

Revue Cités N°73,
Effraction/ diffraction/
mouvement,
la place du poète
dans la Cité,
mars 2018.

Pour avoir vu un soir
la beauté passer

Anthologie du Printemps
des poètes,
Castor Astral, 2019

La beauté, éphéméride
poétique pour chanter la vie
,
Anthologie
Editions Bruno Doucey, 2019.

Le désir aux couleurs du poème,
anthologie éd
Bruno Doucey 2020.







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22/11/2010