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09/02/2011



L'invité du mois

EXTENSION DE LA FORÊT DES SIGNES P2



SARAH MOSTREL

Embrouillé, peinture à l'huile

MARIE-GABRIELLE KONORSKI

Les pierres sont justes
remplies de la mémoire
au tremblement
des noms
Dans le filet des jours
pleurent les égarés
à l’échappée du vide
glissé entre les doigts
Dans la pénombre de ta bouche
les mots de l‘éclaircie.

Martine-Gabrielle Konorski
Extraits de Une lumière s’accorde-Ed. Le Nouvel Athanor-2019

***

Les mots de la langue
ne peuvent
effacer l’ombre
qui se colle à ton dos
Eclairée
elle s’enroule
dans ta nuit
et ouvre grand tes yeux
au bord du noir.
Pourras tu encore regarder
par la fenêtre ?

Reflet des choses
Quand divaguent les mots
filet de sang
entre les lèvres
Quand les yeux
nous retiennent
devenus notre nuit
Nous nous recommençons
retour des jours sans âge
Réparer le temps.

Martine-Gabrielle Konorski
Extraits de Bethani suivi de Le bouillon de la langue-Ed. Le Nouvel Athanor-2019

FRANÇOISE GEIER

Elitres agacés par le vent

balancements aphones

frétilles de printemps

vertes faveurs échevelées

branchages inscrits en A

ARBRE





BRAME DU CERF

Broute fougère
sous cape
cerf virtuel
nick ta biche
brame ta moudre
cerf fonçant
fondant
cerf chabran

Broute fougère
virtuel
cerf sous cape
clame
cerf volant
nick ta biche
broute l’eau
rame ta moudre
hume ta grure


Françoise GEIER
Paris, inédits

MICHEL JOIRET

Je rêvais d’un livre qui reprendrait l’haleine des couleurs
Qui passerait dans tes pinceaux une main de nylon
Un livre
Qui parlerait de toi pour taire la menace
Un livre enfin
Qui poursuivrait la fête où nous l’avons laissée

Michel JOIRET paru en 2016 dans "Concerto pour marées et silence, revue".
Envoi Colette Klein

SOPHIE CRÉZÉ

Picta et scripta

Ecrire faire front
Ecrire faire face
Couleur faite mur
Chaux faite chair
Architecture invisible des temps
A la trame ténue que déroule le Verbe

La fresque se dessine entre nous et l’Amère
Nous parant comme d’un suaire
Tellement humaine
S’adresse défaite mais vivante encore
A tous les oublieux de la vie
Ravit les cœurs altérés de frissons
Pour pallier les failles combler les manques
Imprimer la plénitude

Comme si l’âme enveloppait le corps
Comme si l’art luttait contre la mort
A bras ouverts

Sophie Crézé,
extrait de Poétique de la fresque, Editions Christophe Chomant, 2017


DANIEL DE MONTOLIN

vase bleu raté,
rayonnant
sous ses tournesols

Daniel de Montmolin
in Le jardin du potier, éd. la revue de la céramique et du verre
envoI Françoise Delorme

CÉSAR CASSARINE

Ayant grandi parmi les fumets
de nourritures emboucanées
J’aurai pu être omnivore
je me suis contenté de dévorer les livres
et j’ai connu la satisfaction
grâce à la fruition de ton amour délicieux

Fruition : vieux mot français qui signifie jouissance.


Les mots puisent chez les morts
la langue que l'arbre abrite en ses racines
seule l'eau qui goutte et court
en colporte le sens

son murmure s'intensifie


la mémoire individuelle a été un bien commun
partagé à certaines heures grises de la nuit.
Le souffle donnant forme et volupté
à une parole de braise

Avoir trop parlé
rend capable d’écoute.


La lumière des écrans, le grésillement des oreillettes
occultent toute écoute
La mémoire s’accumule dans « le nuage »
où quantité de bits volés aux êtres
par la techno-paressologie
enrichissent bon nombre de revendeurs
hors la loi, hors côtes.

Dis, technologie triomphante
ou est ton triomphe ?


César Cassarine
Extraits de « L’écrevisse et l’orchidée » inédit

MIREILLE ROSAZ

Déconfinée



Demain, désobéir, déconfinée, je pédalerai
J’irai sur le gravier, dans la nuitée
Je ne verrai plus que les soleils givrés
Et leurs sangs qui se figent dans la mélancolie

Vaste sentiment triste et irréelle envie
Voile invisible que mon tourment défait
Tout au fond de la nuit, - dépenser mes yeux
Gourmander mes cheveux et ne plus rien
Sentir que le sommeil couchant.

Je ne porterai pas mon pull-over vert
Ni ma chemise en soie, ni mon bagout
Ni mon humeur souvent sévère
Je flotterai légère dans la félicité

Les roses tulipes m’ inviteront, heureuses,
dans leur conciliabule. J’aurai vécu, à la veille,
la veille, dans l’espace embrumé où tu peux te noyer
Où pour mon plus grand bien, assignée,
je fus sommée de vivre.

Mireille Rosaz

JEAN-PAUL ROUVRAIS

L’intime noie boit
Sa raison dit : tu ne peux tout emporter
Il se souvient eux elle lui hier les étés

L’homme écrit lit le livre sème sa vie son temps
Dans la chaloupe tout est pages mots sons et cris

Compagnon conte sa route la lune suit

Les récifs
Perles sans ancres
Sont las de ces récitatifs

Dieu oublie
Qui croit voit
Ces voix pénètrent-elles ses voies ?

Le chapitre des ondes abolit les distinctions
Par effraction
Chaque choc écroule

Mort refuse rumeur tient
Vie ou mort ne tient à rien

Quelque part loin un battement en ancre encore un

Silence nuit eau sable vent océan
Hommes femmes enfants flottent fuient

L’eau émonde l’immonde charnier
Le froid inonde

La lente traînée glisse tombe crisse
Mille lieux mille liens perdent lient

Dans le néant des êtres
Chaque chair défait son vêtement
L’œil offre ses restes
Le regard pose aux pieds des os

Un baiser effleure une bouche
Aux fonds
Femmes hommes enfants gonflés gris
Ne s’embarrassent plus

Tant de mers entre ces corps qu’hébergent l’eau le large et les ports

Au matin le pêcheur drague les fonds
Remontent les corps


Jean-Paul Rouvrais

IRÈNE SHRAER

La mémoire ne revient pas entière
Elle se donne par petits bouts
En touches incisives
Bordée de piquants
Elle ne revient à nous que par bribes
Qui nous arrachent le coeur
Le déchiquettent
Vous embrasent le poitrail
Comme si elles vous l'ôtaient
Et ce sont ces images
Auxquelles nous revenons sans cesse
Qui deviennent des balises pour la vie
Et que nous brandissons
Ainsi que des fanions
Sans prendre soin des brûlures
Qu'elles portent en elles
Et qui vous envahissent
Afin que nous les gardions

Irène Shraer
Ton ombre est ma Lumière, Editions L'Harmattan, 2019

ERIC PREMEL



C'est un pays avec des gens très importants
des filles à réciter et des hommes modulables
des chaînes d'arpenteur qui gardent la mémoire des surfaces et
des volumes, des ronces et des chemins de veille
une lampe à pétrole, des mots appliqués dans la gorge,
des paquets de linge, la soif, de tristes rêves, des jupons claquant sur
les genoux, et pour finir, de longues baraques pierreuses piquées
vers l'ouest ou le midi, où les ânes, les sœurs, les voyageurs,
les coudées franches et le rire poussent sur le sol ingrat.

Un pays avec des gens d'orge, de limon et de sel, aux prénoms
graves, où les moissons chassent la honte, où la paille brise les reins,
où les collines sont de nulle part mais masquent avec
indulgence les infirmités, les bosses et les appendices, les repères.
Ici les naissances, solitaires, cuites à la glaise et au galet, ici les ventres
encore déchiquetés et douloureux de nouveaux mondes
venus à coup de masse de becs et d'ongles, en cachette dans les taillis.

Le casse croûte, l'habit de toile, succèdent au muscle rond et tendu,
à l'effort, avec le temps lisse et indifférent dressé sur le pignon des granges,
les vapeurs héritées des mères.
S’oublient les rois grossiers et silencieux, nombreux comme le grain,
l'orgueil maigre, la nuit qui rôde tout le temps, s’oublient la terre humide,
les morts éparpillés dans les marais dont on n'a plus le souvenir

Un pays où restent seulement les poutres pour se pendre,
les odeurs en grappes dans l’air et les contrées, des talus sourds et sauvages,
le désaccord du monde et l'homme,
dont les os vidés ne sont plus que des bambous par où souffle le vent

Eric Premel
Extrait de Nommer sur toutes les rives

NATHALIE PICARD

Passage
Pour dire non à la mort
De l’intérieur de la mort
Tu dois toujours passer par un passage que tu t’es toujours toi-même interdit par principe
C’est pourquoi tu ne le trouves pas
Car ce principe était dicté par ta survie
Or si tu passes tu ne survis pas
Tu deviens comme du feu
Tu te transformes en comète.

Ce que tu as à gagner dans ce dernier combat au-delà de la vie et de la mort est la liberté de ton nom
C’est elle que tu transmets
Si rien n’est jamais perdu
Rien n’est acquis définitivement
La mort n’est pas la mort
Il y a des nuits de mauvais conseils d’où l’on se relève affaiblis
C’est à dire résignés
Ne te résigne pas
Si la sortie du piège appelle la vengeance
C’est que tu es encore piégé
Si tu désires la facilité, la facilité viendra
Renonces-y
Accepte le combat qui se livre en ce monde
C’est un combat qui ne se voit pas
Car c’est avant tout un combat intérieur.

Cette paralysie n’est pas la tienne
Elle se nomme adaptation, elle fait partie de ta nature
Tu as le droit et le pouvoir de dire non
Qui te le rappelle te consolide
Qui le prononce pour toi te soutient et t’honore
Force du torrent libéré de la roche
Force du torrent impétueux
Force de crier
C’est pour toi que je crie.

Nous écrirons sur les murs de nos maisons comme sur des pages blanches des prières inventées
Nos cœurs creuseront le lit d’une rivière large, profonde puissante et grossissante dont le courant nous mettra à l’abri de la sécheresse définitive
Sève, sang et eau
Tumulte d’une vie tissée dans le chaos
Qui craque comme le bois d’un arbre qui aurait la volonté de marcher.

Nathalie Picard
Extrait de Je voudrais être une parole qui danse — inédit




ALAIN SNYERS

GLISSEMENTS
Texte à lire à haute voix en changeant
fréquemment la cadence.



Je voudrai vous dire un mot,
Juste un mot pour vous dire….
Pour dire, vous redire,
Un mot, ou des mots, des mots pour…
Dire, vous dire …
Redire,
Avec des mots,
Des mots les uns avec les autres
Des mots qui glissent les uns sur les autres,
Toujours sur les autres,
Et encore sur les autres,
Les uns avec les autres,
Des mots….
Pour dire un propos,
Bien à propos,
Un propos
Bien calé dans le décalé,
D’une case censée,
D’un sens caché
Par un cache accordée,
Selon un accord attablé
À la table encordée
D’une corde encollée
Par une colle empâtée
D’une pâte ampoulée
D’une poule avancée
À l’avance balancée,
Comme une balance coudée
D’un coude pimenté
D’un piment guidé
Par le guide sermonné
Selon un sermon bien calculé
Par un calcul noyauté
D’un noyau poudré
Dans une poudre clôturée
Par une clôture codée
Selon un code bouché
Dans une bouche fermée
D’une ferme soupirée
En un soupir éclairé
Par un éclair gommé
D’une gomme antidatée
Par une date plaquée
Sur une plaque pliée
Sous un pli torsadé
D’une torsade agrafée
Avec une agrafe enflammée
Par une flamme palmée
À la palme inspectée
Par un inspecteur tuyauté
D’un tuyau raboté
Par un rabot meulé
Sous une meule pistée
Sur une piste angoissée
Par une angoisse roulée
En une roulade laquée
D’une laque rappée
Par une rappe grippée
Après une grippe teintée
D’une teinte drapée
Dans un drap beurré
D’un beurre rêvé
Dans un rêve troué
D’un trou basé
Sur une base aiguilletée
Selon une aiguille rythmée
D’un rythme sulfaté
À la sulfate tassée
Dans une tasse bien frappée
D’une frappe vernissée
D’un vernis âgé
D’un âge freiné
Par un frein ruiné
Dans la ruine enrubannée
D’un ruban profané
Par un profane chicané
Dans une chicane dansée
D’une danse empoissonnée
D’un poison pincé
Par une pince stylée
D’un style givré
Comme un givre vitré
Sous une vitre armée
D’une arme blâmée
Par un blâme clamée
A la clameur miroitée
Du miroir avoiné
D’une avoine plagiée
Par un plagiat réclamé
En une réclame flashée
Comme un flash critiqué
Par les critiques fouettés
Avec un fouet rampé
Sur une rampe imagée
Avant de devenir une image
Phrasée avec des mots
Et des mots
Qui glissent les uns sur les autres
pour vous dire
Que
Les mots glissent ….et s’envolent…



Alain Snyers
2014.



GENEVIÈVE BERTRAND

Dire et redire

« Dans le dire, rien n’est jamais assez dit
qui n’aspire à être redit, mais autrement » E. Jabès


Je dis
la falaise déchirée
son visage ridé
pierres éboulées
laissant le roc à la nue-verticale
Falaise engendrée du vide
secrète abrupte sauvage

Je dis
sa cicatrice toujours à vif à l’ouest du jour
Scarification
Traces infimes Traces infirmes
Roulement de pierres
Éboulis de mémoire

L’espace fendu
s’ouvre au visage de l’absence

Infirmité d’amour retenu à cette vie tenace
nommée euphorbe et térébinthe

Je dis
la roche friable et grise
dissoute par la brûlure acide d’une larme

Je dis
l’écriture glissée sous la peau
la peau égratignée de ronces

Je recopie le paysage
mot à mot
jusqu’à l’enfouir dans mes cellules

Écrire comme une transfusion d’âme


Mot Chamane


Ça tremble
ça frémit
ça voudrait dire
ça ignore les mots pour le dire
Le mot unique
fait trou au milieu de la langue
Insaisissable

Viennent les mots- toujours- les- mêmes
Ils bouchent le passage
referment l’échancrure

Parfois une porosité
Une fraction de seconde
le mot fait surface

Un mot guérisseur
Un mot chamane

Un mot qui n’est pas de toi
qui vient de plus loin

Oui c’est ça tu le sais
Et puis il s’échappe

Et tu cherches encore
Tu sais que c’est là
tellement fort que la gorge se serre
Ça fait mal dans les nerfs
Tu as presque envie de renoncer
Tu résistes

D’un coup Ça vient autrement
Tu ne sais pas d’où D’une autre rive

Un mot à la frontière du silence
presque imprononçable
Tu restes étonnée


Soir de solstice

Chevauchement des temps
Mille couches en plissures entremêlées

Elle la jeune- fille
évanouie dans les strates du passé
Muée en femme sauvage et solitaire

Ses pas irrémédiablement effacés
dans la nuit des dunes et des sables
Son ombre parfois
longe l’abrupt des falaises

Croisement improbable
un soir de solstice
de plusieurs mémoires
tissées à son insu

Premier amour jamais advenu
dont elle est devenue l’étrangère

Remontées aléatoires
d’une écriture qui n’est pas la sienne
en discordance
avec la tendresse tiède d’un jardin d’été

Visages Pinède Accents d’ailleurs Profils
Sonates de Bach Promenades

Archéologie d’un silence adolescent
arrimé à l’ignorance du corps

Rien
Si ce n’est rêverie enfermée en solitude
Si ce n’est légende d’une angoisse intime
Si ce n’est intuition d’un telos inaccessible
à l’horizon de toute venue au monde

Rivage illisible de l’être femme


Geneviève Bertrand
Extraits de "A bouche décousue" (accompagné de monotypes de Bruno Danjoux)
ed Unicité 2018

JAMES BRONDOLO

Petit Poème

Sous Le ciel tourmenté
Il regarde où ils vont
Sous Le ciel désolé
Il devine ce qu'ils se disent
Dans la pièce où il est
Les murs murmurent le monde
Enfermé dans son silence
Il n'attend personne

Il peut dire ce qu'il veut
Il cherche dans les rêves
La vie que tous vivent ailleurs
Il voudrait aller avec eux
Lui qui ne sait qu’être seul
Il a su bien des façons d’être heureux
Depuis ses mots roulent sous un tilleul
Il y a ceux qui croient entendre des voix
Lorsque le vent injure, et pleure si fort
C'est qu'il traîne les mots de celui qui dort

La vie glisse comme ruisseau
Elle s'échappe dans les tournants
Pour aller ailleurs dans le temps
Mais ou vont ces autres gens ?
Quand celui qui regarde passer
Peut croire qu’il sait
Avec ses rêves à lui, il fait


James Brondolo

BRIGITTE DURUY

Le lieu du silence – Brigitte Deruy
A l’unisson de l’univers
les deux parties du symbolon
se sont reconnues
nudité des âmes
nudité des corps

alliance

des yeux pour regarder au-delà de l’apparence
des coeurs pour approfondir la pensée
des mains pour façonner l’autre monde

union

les corps se reconnaitront
scelleront le pacte dans la fusion
petite mort à soi-même où le subtil émerge de l’épais

abandon

les vieilles peaux se décollent
les égos se dissolvent
les êtres anges sortent de la chrysalide

chevaucher les étoiles
se fondre dans l’infini
vibration du fa divin

germination de l’amour enchanteur

renaître UN
à l’Autre
au mystère
et taire le bruit
silence en soi
fusion dans le vide plein
du Soi

Brigitte Duruy

DAVID ROUGERIE

Forêt gourmande

Bientôt en une immense forêt,
dans un climat tempéré,

la densification du paysage

me dira des arbres les âges.



Que la luxuriance de la nature
sous des vagues de verdure
totalement me submerge
comme telle rivière certaines berges !
Avant que Mac Donald et ses bulldozers
de Nogent-le-Rotrou à Buenos Aires

déciment de rustiques plantes,

faisons une promenade lente...



Ne pas mettre en branle sa débilité,
c'est donner au système écologique sa durabilité.
Seuls des comportements primesautiers
tuent tout un foisonnement forestier.
L'esprit faisant preuve d'ouverture
apprécie des sols la couverture.
Un arbre est un jardin comestible étagé
et non un fantasme imagé.



À trop couper nos vignes,
nous oublions qu'elles sont à l'origine des lianes.
La récolte de raisin ne sera pas plus indigne
et nous acceptons le vin doux que nous verse Éliane...
De même, de nos assiettes la composante
résulte d'un choix politique.
Nous ne nous plaignons pas quand la plante cicatrisante

rafistole notre esthétique...


Nous voyons bien alors que la forêt gourmande
est le meilleur des partis.
Vouloir la mettre à l'amende
relève de neurones partis...


David Rougerie,
24 avril 2020 - issu de "Hêlées visions" (à paraître en octobre 2020)

Cosmic Pulses


De tout notre monde il n’y a plus que les sons
innommables atonaux
a-spatiaux atemporels
parallèles interstellaires
des gongs graves souterrains
des cloches des tonnerres
ils composent nos corps
sont devenus nos veines nos nerfs nos souffles
ils résonnent dans nos organes internes
absents
ils gonflent nos têtes virtuelles – « nos » si on peut encore le dire
nous sommes des performances
des partitions théoriques
générées par un superordinateur
compositeur
cet univers sonore en expansion
est notre tissu vital
notre système nerveux
notre cerveau
musique – être sans sujet
nous expulse de nous-mêmes – être sans objet
reste une danse
incorporelle
et une envie
de la danser à l’infini
par qui – par ni

ni

***

Chromatiques sous vide


Le four oui le creuset où l’on prépare l’Œuvre
le ventre gravide de mon poème futur
préparation perpétuelle et tout est préparation
sauf que la matière fondue tortue touffue se déverse en tous sens
des reliefs de lave incandescente se forgent dans le vide
de plus en plus envahi
l’espace prend conscience d’en être un au fur et à mesure
que le plein et le vide se modèlent l’un l’autre
communément laminés par les sons d’orgue et retissés ensemble par les
cordes
tissez tissez la toile du monde tisserands de mon rêve
coulez coulez mes eaux de cloches comme des vases renversés
bouillez bouillez trompettes dans mes entrailles exposés au nord
résonnez résonnez tambours au-delà de mes tympans agrandis à l’est
et à l’ouest
répandez-vous violons en pluie sans répit plein sud
de moi tout sort et c’est moi que le tout enferme en son milieu
telle une oreille spatiale
l’oreille spatiale écoute en toutes les directions
en profondeur en surface et en hauteur
l’oreille spatiale n’entend rien elle reçoit seulement
ce que l’espace dont elle est l’unique organe de sens émet
quand frissonnant et s’agitant comme un malade
son corps virtuel spasmodique projette des morceaux de son brut
sauvagerie constructive sous la baguette d’un apprenti sorcier
hypothétiquement absent
ô gammes couleurs ordonnées louange à vous
car à travers vos interstices indécis
la trame du vide nous envoie ses appels déchirants
d’une passion inassouvie
sans quoi nous ne serions qu’ombres et contours d’ombres
quelle plénitude de matière première remonte en nous par ces afflux
de désordre pourri
et quelle belle tornade nous emporte hors de nous avec les éclats d’abîme
qui crépitent sur nos têtes éclatées
alors que nous rêvons encore et toujours
d’étoiles impérissables


Dana Shishmanian
Extrait de Mercredi entre deux peurs, L’Harmattan, 2011
site Francopolis :

PHILIPPE BLONDEAU

# Papillon

Un fourmilier fut atomique un beau matin sur un marché
Le Président preux déclara la guerre à mort aux gouttelettes

Et si le monde se figea c’est pour un plat de pangolin
On musela nos bouches bée de boucliers en tissu fin

Le pangophage mitonna patiemment son quasi-tatou : au feu de bois ? A la cocotte ?
La BCE mit des milliards car souffla fort le vent du Krach

Et notre mangeur wuhanais huma-t-il le fumet exquis de son manidé en brochette ?
En Australie ( supermarket ) on se battit pour du PQ

Il goûta son ragoût en Chine - du coup ça réacta en chaine
Et on rêva de Chloroquine en mirant le docteur Raoult

But-il du thé tout en soupant ? Point ne sais - mais il avala
le Nouveau Monde empestant l’ail (en digne fils de Gargantua)
Et broyant entre ses molaires l’économie mondialistique

il mastiqua la chair goûtue de son lézard inesthétique


En fricot l’écailleux d’Asie avait-il goût de chiroptère ?
Dans le jardin ça pépie fort – Je recopie mon formulaire


Philippe Blondeau – Inédit - 16/04/2020
i[

ANTEMANHA

à Anselm Kiefer


Le végétal
Je n’ai pas les mots
Mes mains le connaissent

Anneaux de chêne dans un parquet
Chêne allemand
Vieux chêne dense et lourd
ses rainures polies zébrures presque
s’il n’y avait pas les départs de branches
noirs départs comme le centre de cibles

Bois impénétrable pour la flèche la fléchette
bois étanche et ignifuge
étrange étouffant
Chêne centenaire solide
pierre presque

Végétal des anneaux
des années
véhémence de la solidité
Variations végétales

Dur le Dieu des Allemands
lourd le cercueil
trop solide la loi du bois
la planche du menuisier

Je n’ai pas les mots
Je n’aime pas la mutilation au rabot
Je n’aime pas ce qui glisse sur la surface blindée
Je n’aime pas la planche du parquet étouffant

Mes mains connaissent la forme végétale
Aveugle je retrouverais l’écorce du chêne
Mon nez distinguerait son odeur
Mes oreilles reconnaîtraient le bruissement
de son feuillage le tambour de ses glands

Lourd le chêne
et fort le geai bleu au bec massif
Dehors la force prend sens
le vent aère la force
le végétal insoumis
Le chant résonne dans la forêt

Sortie de la tombe
la liberté nous sourit
Debout le chêne me met à ma place
et je l’aime pour cela
Véhémence et force
liberté et espace

Respirer

respirer
dans le vent

Liberté


Antemanha
inédit

ASSUMPCIÓ FORCADA

MER TRISTE *

La mer est triste,
ne veut pas être une décharge
Il y a tellement de déchets
et produits toxiques!

Fûts radioactifs
Ils ´ouvrent bientôt .
Bateaux effondrés
qui libèrent de l'huile par le bas.

Et le désert sans vie
qui avance
détruiretant les posidonies
et les forêts de corail.

La mer est triste,
il n'y a plus de poisson jouant avec les algues
ni plancton cherchant la nuit
le baiser de la lune

Les rochers, maintenant noirs,
vêtu de deuil,
laisser les bateaux amarrés
à un port sans travail.


Assumpcio Forcada
Du livre la Voix de la Mer

PIETRO ANTONIO IZZO

Je cherche une maison
où rôde perdu
le parfum d'une fleur esseulée

Une maison étrangère
mais pas inconnue
au pays
qui rêve
et tranquille
respire

Hostiles ses portes
aux rancunes
elle sourit
et m'oublie
si des fois
je ne sais pas lui parler

Une maison où ne pas fuir
mes fantômes
astucieux

L'offense est un léger coup de vent
et la voix de l'homme
qui a dans ses yeux
le souvenir de la mer
comme une caresse
qui ne fait pas mal.


Pietro Antonio Izzo

JACQUES ALLEMAND

je me réjouis de loin de votre amble
de votre air de girafe en foulard
de vos paupières baissées avec un roman dessus
je serais bien votre signature qui traîne derrière vous
mais vous êtes trop loin
je le regrette sans plus, comme un personnage de vos histoires
qui me ressemble,
sans bienveillance de votre part

***

n'y plus penser, exposer son ventre à fleur d’eau
aux soleils curieux
sentir ce qui se creuse aux poignets,
entre les yeux,
le tout juste croyable
le tout juste pensable,
bercer l'abîme
narines dans la mousse du lac,
d'un battement de cils
saluer

***

mon poète,
qui avait le vertige quand il levait la tête
m'a tenu ce discours
la nuit où il est venu me voir pour me réclamer des picaillons
─estimant que je les lui devais bien
et il avait raison :
« creuse le ciel, ne te laisse pas impressionner
par le volcan et les livres que je trimbale dans ma mallette
ni par la taille de mon cheval,
regarde en haut creuse le ciel
fais-toi aider des bêtes,
celles que je te cède
celles que tu m'as prises »

***

en barque il (le capitaine)
est venu vers elle
(la jeune prisonnière)
enclose en son jardin
(l’inverse est aussi vrai)
au retour il scrute le fond
les épaves qui lui ressemblent
et longeant la terre creuse
il plie et tord
la chaussure qu’il a dérobée,
quand il la laisse filer sur l’eau
un coin de la rade s’illumine
juste un point qui aspire tous
les yeux alentour


Jacques Allemand
[Extraits de Incertain & la nage en eau froide, à paraître aux éditions Propos2]

YVES BERGERET

Au toucher des gouttes de sel

les roches en rythme aussitôt se colorent.

Les strates de la colline de carton

sont couches de roche rouge,

couches de roche bleue.



Au tomber des gouttes de sel

les édifices sur la colline de carton

se peuplent, c’est l’aube,

c’est le moment. Chacun se retourne sur son lit,

la première lueur traverse les paupières

et la ville veut parler.



Murs ocre et orange,

blanches façades où les femmes

ouvrent les fenêtres dans leur chant,

dans le soleil qui va par le ciel,

dans l’enfant qui vagit

et dans le creux noir brûlant qu’elles écartent.



Murs orange et blancs

escaladent la pente de la colline,

murs colorés, pans des robes, de la taille

au pied, des femmes. Elles chantent en cortège,

légères et graves ; elles montent la pente,

elles allègent la ville,

l’architecte est leur fils,

elles apaisent le feu noir du creux noir

et des gouffres amers.



L’humble carton, que chaque nuit

découpe et colle l’architecte,

se mue en chair vive du poème qu’ici j’écris.



Or voici le point rouge

vers le bas de la pente,

la source

où la parole jaillit.

Yves Bergeret
Extrait de Carnet de la langue espace
Cf site

ALEXIA CARR

Aux Confinés Que Nous Sommes


Quand la vie se plie au blocus,
On est debout, face à l’amer.
Si au corps on a le virus,
Il vous met à plat, sans repère.
Lui seul sait ce qu’attend la terre.

Enfermé dans une cellule,
Chacun patiemment se supporte
Et tous envient la libellule,
La mouche et même le… cloporte !
Quand donc vont se rouvrir nos portes ?

Ne pas laisser l’angoisse croître
Au fond de notre pyramide
Dont on veut fuir, mais qui nous cloître
Dans ce présent soudain rigide
Que le temps, faisant fiasco, vide.

Notre esprit lentement s’enfonce
Aux confins du confinement
Tandis que surgissent des ronces
Autour de nos renoncements.
Un désir, mort d’étouffement,

Tout interdit d’être renié,
Autorise alors que l’on touche
À la douleur du prisonnier
Qui gémit le soir sur sa couche,
La voix calfeutrée dans la bouche.

La prière ? On l’a oubliée
Dans un de nos lointains tiroirs !
Nos genoux vont-ils se plier
Devant l’Être ou devant l’Avoir ?
Regardons-nous dans le miroir :

Qui a entravé nos anciens
Aux murs de maisons de retraite ?
Est-ce là vraiment pour leur bien ?
Est-on profondément honnête ?
Ne marche-t-on pas sur la tête ?!

Qu’avons-nous fait des animaux
Inhumainement confinés
En cage : poules, cochons, veaux
Qu’à ce sort, on a condamnés ?
Sommes-nous à ce point damnés

Pour créer tant d’affreux mouroirs ?
La seule Bête qui, dans l’heure,
Devrait crever à l’abattoir
Pour avoir créé ces horreurs,
C’est le Veau d’Or, poison des cœurs !

L’industrie, souffrant de cancers,
Et l’agriculture intensive
Se targuaient d’être nécessaires !
Mais elles se savent nocives
Et, enfin, s’essoufflent, poussives.

Le monde entier tombé malade,
Immobile dans sa psychose,
Face à la mort, se barricade,
Obligé de se mettre en pause.
À tous, la réflexion s’impose.

Après cette guerre morbide,
Devrait-on retourner aux champs,
Sortir de nos bureaux sordides,
Pour vivre un peu plus simplement
Et redécouvrir nos enfants ?

Comprendra-t-on enfin le tigre,
Frustré derrière ses barreaux ?
Depuis le temps que l’on dénigre
La liberté, joyeux flambeau,
Pour la garder sous le boisseau !

Dans ce monde en état de siège,
Est-ce vers un futur meilleur
Et pour nous extirper d’un piège
Que ce virus annonciateur
Nous prend par la main et la peur ?

Lui qui meurt d’un coup de savon,
Nous fera-t-il changer de vie ?
Elle est si courte et nous savons
Qu’on la quitte sans préavis
Peu lui important notre avis !

On se cache alors sous un masque,
Puisque la mode est médicale !
Bientôt, portera-t-on un casque
De science-fiction sidéral
Dans ce macabre carnaval ?!

L’Homme sera-t-il plus mature
Quand il quittera son abri ?
S’en lavant les mains, la nature,
En vacances jusqu’à Paris,
Ne lancera pas ce pari !

En attendant, elle est radieuse
Offrant ses parfums printaniers
À une faune bienheureuse
Que nul ne vient plus contrarier :
La chasse est privée de gibier !

Il faut un temps nous faire moine
Pour que meurt le superficiel
Comme en sa grotte Saint Antoine,
Et écouter chanter le ciel
Par les oiseaux de l’essentiel.

Alors dans son box, un cheval,
Galopant dans l’espace en rêve,
Emportera notre idéal
Jusqu’au bout de la longue trêve
Pour qu’un monde nouveau se lève !

Alexia Carr - 27 mars 2020

MONIQUE ROMIEU-PRAT


Accompagner
Accompagner aujourd’hui
Accompagner un enfant à l’école c’est préparer une séparation
C’est inscrit dans la nature même de l’acte
Celui qui accompagne, comme l’enfant qui est accompagné, prend le risque de la séparation
Il y est prêt
Séparation qui se passera plus ou moins bien mais qui , au moins aura été anticipée

Il est parfois long le chemin de l’école
Long d’histoires ra contées, de secrets, de promesses, de rencontres
Petite main dans grande main qui se séparent et se retrouvent
Jusqu’à une porte qui se ré ouvrira


Terrifiant aujourd’hui
Non seulement il n’est plus question de se séparer
Confinement
Pas non plus question de se retrouver
Confinement

Et l’accompagnement, l’accompagner risque de tomber, de se perdre, devenu insensé, obsolète, dangereux

Accompagner…banni, effacé
Priorité aux « gestes barrières »
Et à « l’éloignement social «

Oui je comprends, j’adhère

Mais quand même je me risquerais bien à monter dans ce train celui, par exemple qui quitte Metz pour la nouvelle Aquitaine
TGV sanitaire

Accompagner celui qui étouffe, qui a peur, qui pense, peut-être dernier voyage...
Accompagner d’une voix off
Non ! pas murmurer tout ira bien
Ou même tenter de se substituer à la voix intérieure de cet inconnu

Accompagner d’une voix qui prendrait le relais, qui serait à cet instant, du coté de la vie…un peu…
Témoin du vivant d’avant, du vivant d’après


Accompagner en racontant le paysage peut-être
(Tiens la cathédrale de Chartres oh splendeur d’éternité imaginaire !!!!)

en chantant doucement, peut-être, ou en racontant, en se racontant
-Rire pour ne pas étouffer
rire pour ne pas pleurer

Ou pleurer
Pleurer d’accompagner des pleurs


(Accompagner se dit parfois tenir la main. N’oubliez pas de nous dire le jour où cela sera à nouveau possible)


Me revient, à moi, l’horreur d’un premier pansement, après une opération très délabrante…une jeune, très jeune élève infirmière prend ma main
Inoubliable geste
Inoubliable chaleur de cette main
Par où la vie revient…si on y accompagne




Dans ces moments d’entrave psychique que ce temps impose

Une menace (pour moi)
Celle de faire des bilans
Ce qu’a été la vie, ce qu’elle aurait pu être, les regrets, les impossibles à dire, à faire, les manques, les ratés…


A l’opposé des bilans et de leurs sinistres décomptes faire plutôt des inventaires du vivant
Revoir la mer
(est elle toujours là ?)
Revoir ma terre, celle de mes racines

Et d’abord, et
D’abord revoir l’Italie
Consoler l’Italie
Manger l’Italie, s’enivrer de vins de la vallée d’Asti,

Ecouter, écouter et encore écouter Huguette raconter le Piémont
De cette voix qui ne passe aucun détail, aucun enchantement, aucune fioriture
On pourrait dire une voix baroque !!!

Marcher pieds nus sur des mosaïques dans une chaleur de mesogiorne

Se rappeler qu’on a été jeunes, amoureux, confiants

Ou moins jeunes et si émerveillés en Sicile africaine

Monique Romieu Prat
30 mars 2020-03-31








EXTENSION DE LA FORÊT DES SIGNES P3


Jeudi 14 Mai 2020
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Revue Cités N°73,
Effraction/ diffraction/
mouvement,
la place du poète
dans la Cité,
mars 2018.

Pour avoir vu un soir
la beauté passer

Anthologie du Printemps
des poètes,
Castor Astral, 2019

La beauté, éphéméride
poétique pour chanter la vie
,
Anthologie
Editions Bruno Doucey, 2019.

Le désir aux couleurs du poème,
anthologie éd
Bruno Doucey 2020.







cb
22/11/2010