BIOBIBLIOGRAPHIE

LIVRES DE CREATION
BEATRICE BONHOMME
LIVRES DE POEMES
1991-2004
• L’Age d’en haut, Editions Traces, 1991. Gravure de Mario Villani.
• In Absentia, Plouzané, Editions An Amzer 1993. Préface de Jacques Lepage, Dessins de François Thierry.
• Le pas de la Clé, Editions La Vague à l’âme, 1994.
• Jeune homme marié, nu, Nice, Editions Nu(e) Coll. Poèm(e), 1996.
• Sauvages, Paris, Editions Moires, 1997.
• Le Dessaisissement des Fleurs, Rafaël de Surtis, 1997. Illustration de Mario Villani. Préface de Daniel Leuwers.
• Poumon d’oiseau éphémère, Paris, Editions Moires, 1998. Illustration de Tristan Bastit.
• Les Gestes de la neige, Coaraze, Éditions l’Amourier, 1998. Préface de Salah Stétié. Frontispice et gravure originale d’Henri Maccheroni.
• La Grève Blanche Mers sur Indre, Editions Collodion, 1999. Sérigraphie d’Alberte Garibbo.
• Femme de tulle et de pierre posée sur du papier, Nice, Editions Nu(e), 1999. 10 gravures de Serge Popoff.
• Sabre au clair, Cannes, Editions Tipaza, 1998. Dessin original de Jean-Claude Le Gouic.
• Le Nu bleu, Coaraze, Editions l’Amourier, 2001. Préface de Bernard Vargaftig.
• Nul et non avenu, Mers sur Indre, Collodion, 2002. Sérigraphie de Claire Cuenot.
• La Claire, Éditions de l’eau, 2004. 2 gravures (manière-noire) d'Albert Woda.
• Présence de la pierre, La Balance, 2004. Aquarelle originale de Mireille Brunet-Jailly),
2004 Rééditions augmentées
• L’Age d’en haut, Colomars, réédition augmentée, Mélis, 2004. Préface de Tristan Hordé.
• Photographies, Colomars, Edition Mélis, 2004. Préface de Serge Martin.
• Jeune homme marié, nu, Colomars, réédition augmentée, Mélis, 2004. Préface de Salah Stétié.
• Poumon d’oiseau éphémère, Colomars, réédition augmentée, Mélis 2004. Préface de Bernard Vargaftig.
• Cimetière étoilé de la mer, Colomars, Edition Mélis, 2004. Préface de Claude-Louis Combet.
2008-2019.
Mutilation d’arbre, Mers sur Indre, Editions Collodion, 2008. Préface de Bernard Vargaftig.
• La Maison abandonnée Colomars, Melis, 2006. Postface de Bernard Vargaftig.
• Passant de la lumière, Jegun, L’Arrière-Pays, 2008. Autoportrait de Mario Villani.
• Précarité de la lumière, Editions de la Canopée, 2009. Poème enrichi de collages et de perforations de Thierry Le Saëc.
• Variations du visage et de la rose, Jegun, Editions L’Arrière-Pays, 2013. Frontispice de Stello Bonhomme.
• Dialogue avec l’Anonyme, Mers sur Indre, Editions Collodion, 2018. Frontispice de Claire Cuenot.
• Deux paysages pour, entre les deux, dormir, Halifax, Editions VVV, 2018. Palimpseste de Michaël Bishop.
• Les Boxeurs de l’absurde, Fourmagnac, Editions l’Etoile des Limites, 2019.
• RECIT, JOURNAL, THEATRE
• La Fin de l’éternité (théâtre), Nice, Editions Nu(e), 2002. Traduite en espagnol, créée en 2009 à Grenade.
• Pour fêter une enfance, (récit), Nice, Editions Nu(e), 2002. Photographies. Collection personnelle de Béatrice Bonhomme.
• Dernière adolescence (récit) Nice, Editions Nu(e), 2002. Photographies. Collection personnelle de Béatrice Bonhomme.
• Marges (journal), Nice, Editions Nu(e), 2002). Photographies. Collection personnelle de Béatrice Bonhomme.
Béatrice Bonhomme, poète, a fondé avec Hervé Bosio la Revue Nu(e), qui édite des poètes contemporains depuis 1994.
BEATRICE BONHOMME
LIVRES DE POEMES
1991-2004
• L’Age d’en haut, Editions Traces, 1991. Gravure de Mario Villani.
• In Absentia, Plouzané, Editions An Amzer 1993. Préface de Jacques Lepage, Dessins de François Thierry.
• Le pas de la Clé, Editions La Vague à l’âme, 1994.
• Jeune homme marié, nu, Nice, Editions Nu(e) Coll. Poèm(e), 1996.
• Sauvages, Paris, Editions Moires, 1997.
• Le Dessaisissement des Fleurs, Rafaël de Surtis, 1997. Illustration de Mario Villani. Préface de Daniel Leuwers.
• Poumon d’oiseau éphémère, Paris, Editions Moires, 1998. Illustration de Tristan Bastit.
• Les Gestes de la neige, Coaraze, Éditions l’Amourier, 1998. Préface de Salah Stétié. Frontispice et gravure originale d’Henri Maccheroni.
• La Grève Blanche Mers sur Indre, Editions Collodion, 1999. Sérigraphie d’Alberte Garibbo.
• Femme de tulle et de pierre posée sur du papier, Nice, Editions Nu(e), 1999. 10 gravures de Serge Popoff.
• Sabre au clair, Cannes, Editions Tipaza, 1998. Dessin original de Jean-Claude Le Gouic.
• Le Nu bleu, Coaraze, Editions l’Amourier, 2001. Préface de Bernard Vargaftig.
• Nul et non avenu, Mers sur Indre, Collodion, 2002. Sérigraphie de Claire Cuenot.
• La Claire, Éditions de l’eau, 2004. 2 gravures (manière-noire) d'Albert Woda.
• Présence de la pierre, La Balance, 2004. Aquarelle originale de Mireille Brunet-Jailly),
2004 Rééditions augmentées
• L’Age d’en haut, Colomars, réédition augmentée, Mélis, 2004. Préface de Tristan Hordé.
• Photographies, Colomars, Edition Mélis, 2004. Préface de Serge Martin.
• Jeune homme marié, nu, Colomars, réédition augmentée, Mélis, 2004. Préface de Salah Stétié.
• Poumon d’oiseau éphémère, Colomars, réédition augmentée, Mélis 2004. Préface de Bernard Vargaftig.
• Cimetière étoilé de la mer, Colomars, Edition Mélis, 2004. Préface de Claude-Louis Combet.
2008-2019.
Mutilation d’arbre, Mers sur Indre, Editions Collodion, 2008. Préface de Bernard Vargaftig.
• La Maison abandonnée Colomars, Melis, 2006. Postface de Bernard Vargaftig.
• Passant de la lumière, Jegun, L’Arrière-Pays, 2008. Autoportrait de Mario Villani.
• Précarité de la lumière, Editions de la Canopée, 2009. Poème enrichi de collages et de perforations de Thierry Le Saëc.
• Variations du visage et de la rose, Jegun, Editions L’Arrière-Pays, 2013. Frontispice de Stello Bonhomme.
• Dialogue avec l’Anonyme, Mers sur Indre, Editions Collodion, 2018. Frontispice de Claire Cuenot.
• Deux paysages pour, entre les deux, dormir, Halifax, Editions VVV, 2018. Palimpseste de Michaël Bishop.
• Les Boxeurs de l’absurde, Fourmagnac, Editions l’Etoile des Limites, 2019.
• RECIT, JOURNAL, THEATRE
• La Fin de l’éternité (théâtre), Nice, Editions Nu(e), 2002. Traduite en espagnol, créée en 2009 à Grenade.
• Pour fêter une enfance, (récit), Nice, Editions Nu(e), 2002. Photographies. Collection personnelle de Béatrice Bonhomme.
• Dernière adolescence (récit) Nice, Editions Nu(e), 2002. Photographies. Collection personnelle de Béatrice Bonhomme.
• Marges (journal), Nice, Editions Nu(e), 2002). Photographies. Collection personnelle de Béatrice Bonhomme.
Béatrice Bonhomme, poète, a fondé avec Hervé Bosio la Revue Nu(e), qui édite des poètes contemporains depuis 1994.
EXTRAITS
Premier poème
Titre : Après la pluie
Il n’est de trame que ce mot
que j’écris sans cesse le même
que le tracé du mot
quel qu’il soit
que l’écrit du mot
le calligraphié
que le dessin du mot qui se plaît à nous fuir
curieuses calligraphies d’été
comme le parcours d’un oiseau
ou bien le ballet des feuillages
dessins d’éclaboussures et d’or
tu resteras dans l’étoile
ce papier plié sur ton coeur
aux courbes des calligraphies silencieuses
Deuxième poème
Titre : In Absentia
tu es dans la blessure
de ce printemps
dans ces chambres que nous
n’aurons pas
dans cet amour qui
fait si mal, là où
se pose la minceur
de ton corps nu
sur des draps blancs
Troisième poème
Titre : Désert du déchaînement
1
sous les déchirures
du temps
faisant mémoire arrière
le temps déserté,
abandonné
2
Stèles immémoriales
pages pétrifiées
pierres en poussière de sable
en mots-sable
cette glisse entre nos doigts
comme grains de sable
les allées ensablées, désertifiées
des mots
3
l’empreinte du pied nu
laisse une trace
derrière les pas
la trace d’une page
évanouissante à la vue
les mots pour redonner
un lien à l’espace
délié du désert
désert impénétrable du livre
Quatrième poème
Titre: Le Dessaisissement des Fleurs
la femme vient de la mer
et garde le goût de son
sexe
l’amour de la mer
et crée l’odeur des
embruns
la grande marine
aux marées basses
dans la chevelure des
varechs
la chevelure de la femme déposée sur le sable
des plages
Cinquième poème
L’Univers n’en sait rien
j’écris dans une course effrénée contre la mort
je marcherai toujours avec toi sur les grèves lointaines
notre enfant à jamais blotti contre nous
je t’écris sur les chemins de nos retours
dans la présence inédite de ton pas de ton attente
renouée au destin
il dit tu traverses les pages du livre de ma vie
je suis ton amoureux jeune et tendre marié
il dit tu es ma vie, l’univers n’en sait rien
Sixième poème
Sauvages
Tu demeures sur les ailes blondies
de la mer, ma délicate, dont
l’humble jouissance éparpille
les étoiles
Mendiant d’amour posé sur le
coeur gros des tournesols
le visage écarté en coeur de soleil ou de chagrin
tu ouvres la bouche la mer
sur ta secrète jouissance
Tu demeures posé sur les contreforts du rêve
j’ai longtemps attendu ton espace
l’espace de ton corps qui emplit
le silence,
un plein dans un creux
un en-creux
Tu reposes désormais sur les
tombes des contreforts
ma délicate éparpillée secrète dans
l’éclatement bleu foncé d’une jouissance
je n’ai jamais pleuré ta mort
qu’aujourd’hui le temps des larmes,
allongée sur la tombe de ton enfance
tu reposes
à la fenêtre ouvre les bras
ma tendre, ma délicate
ma jouissante éparpillée sur les
tombes de ton silence
Septième poème
Poumon d’oiseau éphémère
D’un coup cette sensation de libération
comme les convalescences d’enfant
et puis grandit la poigne de la mousse
s’élargit comme un faisceau de plumes
dans l’arbresle des poumons
et pluine d’étoiles en fer
au centre des carrefours de neige
rejoint cette brusque sensation
d’être bloqué à jamais
dans la mâchoire du poisson
qui plus jamais ne saisit l’air des libellules
mais seulement la bouche ouverte
tendue en vain
vers l’unique ruisseau de l’espace
Désormais il n’est plus nécessaire d’essayer d’échapper
car la mousse a rejoint le corps des lichens
et ramène à la terre
cet horizon de neige et d’air
gonflé de sang.
Désormais nul besoin de s’agiter
juste pénétrer en soi le travail des mousses
et ne plus chercher l’étroit passage
où s’ouvrirait une fenêtre
car la mousse a grandi
sur l’étoile des poumons
et tout a fait son nid
désormais dans la mort
La mousse rattrape l’élan bleu
à vouloir vivre sans cesse, sans fin
et à se résigner
dans la pourriture verdie
des poumons d’oiseaux autrefois
jadis et d’espace
dans tes poumons d’oiseau éphémère
Huitième poème
Le Porteur de Bruyère
Je suis le fiancé
le porteur de bruyère
et je fleuris les tombes
des grands-mères oubliées
Je suis le fiancé
le porteur de bruyère
et je fleuris les tombes
de l’enfance oubliée
Je suis le fiancé
le porteur de bruyère
et je fleuris les tombes
et si vite oublieuses.
Neuvième poème
Le Dessaisissement des fleurs
Il s’avance lentement
Il s’avance, à gestes
rituels, comme un danseur
Il s’avance lentement
sur le paysage
vers la colombe poignardée
une blessure aussi naturelle
que le rose des lèvres,
Il s’avance, et la tache est enfoncée
dans les cicatrices
des voiles
Il s’avance et tous ses gestes
sont réglés sur le silence.
Dixième poème
Les Gestes de la neige
Pour toi je réinventerai les gestes
de la neige
les gestes des premières éclaboussures
d'étoile aux taches de la neige
je réinventerai les premiers mots
de neige
et notre enfance sous le givre des cloîtres
Je réinventerai les premiers
mots de neige
et notre enfance au long sable des plages
C'est comme si l'amour s'était posé un instant dans le bleu
l'amour s'était posé un instant sur ta neige
il neige des flocons d'amour sur les épaules
de la mer
Il ne s'agit de presque rien
que le désert
d'un regard cassé
d'un enfant brisé
au regard
de ton regard d'enfant
à l'espoir de la neige
Onzième poème
La chevelure de Bérénice
Pierres mémoriales du sourire
l’hallucination qu’est le regard prochain
toutes les boucles chargées d’or
comme les tombeaux des pharaons,
les nefs chargées de lourds trésors
dans l’ivresse sans nuit de l’enfance
tu frappes à la porte secrète
là est l’eau pure et profonde
Douzième poème
Circularité des nuages
j’ai repris tes mots
pour les dire
sentir la fleur des
lavandes et ce soleil confit
doré rouge acajou
là où se pose le lisse de la main
sur le parquet blondi
j’ai repris tes mots
pour redire l’enfance
l’enfance perdue
déchiquetée paroissialle
l’enfance de grand-mère pieuse
l’odeur de miel
la cire comme un rayon d’abeilles
les vieux meubles enserrent les draps
lavés bleu de lavande
et fleurent d’anciennes lessives d’eau claire et puis de cendre
les maisons tilleuls
les potagers bleutés
sous l’étrange des soirs
la salade égouttée
lavoir et prie-dieu
te psalmodient et te reviennent
les mots, les mots de ton enfance
la cathédrale grise
les vitraux de couleur
une après-midi de villes endormies
retour sans cesse
et le couvent des femmes encerclant l’espérance
Treizième poème
la Grève blanche
il dit : femme est le nom de l’inaccompli
femme est le nom de l’inachevé
blanche
les changements de sens sont marqués par l’oubli
fou de la femme
fou de Dieu
il dit
femme est le nom de Dieu
dans cette langue
n’existe pas le temps de l’avenir
femme est le nom de l’absente
femme est le nom
et n’est jamais
l’indicible
femme est le nom de l’indicible
femme est le nom de Dieu
où Hallâj s’éteint
je te couvrirai de la chevelure
l’herbe véritable des marées
coquillages abandonnés sur le sable
aux bruyères s’est mêlé de l’or
on a oublié les chevaux
un moment de vagues
de vide
homme abandonné
il dit donne-moi toujours plus
car femme est l’autre nom de Dieu
Quatorzième poème
Jeune homme marié, nu
la photo
de toi
la photo nue de toi
la photo de toi nu
le dos fragile de ta
pureté
Dans ta neige
la mince pluie
bleue
dans ton coeur
la légèreté
d'une chaleur
Sur tes gestes
le regard de
ma passion
Sur tes doigts
l'odeur folle
de mon amour
La douceur de ton corps
le pur de
ta passion
tu portes mon
regard.
dans ta main
comme un oiseau
échappé fou
l'odeur de cyprine
et de pluie
jeune marié de
ta main à l'alliance légère
porte le nom secret
une bague d'or pur
dans tes mains
s'ouvrent en un lotus
l'arôme mouillé
et dans le charme
les saccades de tes gerbes
la source liquide d'un
jaillissement d'ailes
Quinzième poème
Sur la trace légère de quelques oiseaux
Un passage comme si de rien n’était
Et voilà que je me remets à pénétrer les mots de la vie
Un soleil sur la nappe rouge
Des toits sur la mousse
Et la pompe au milieu de la cour
Ne ramenant plus d’eau
Mais la source est toujours présente
Avec l’eau claire que l’on aperçoit
A travers la fente des pierres
Je n’ai pas attendu que tu viennes
Je croyais que c’était le temps de ma nuit
Et puis tu as trié le ciel
Sur la trace légère de quelques oiseaux
Il y a toujours ce noir profond
Quelque chose qui ne fait que grandir
Dans la simplicité des pierres
Seizième poème
Greniers de l’enfance
L’odeur de poussière
La paille restée chaude
Comme déposée par le blé
Il reste cette belle odeur des greniers
Et toutes ces choses offertes
Qui n’ont plus lieu
Dix-septième poème
Simplicité de la pierre
Maintenant ce qui reste
Après avoir tenu le ciel
Dans nos mains nues
C’est juste ce que j’aime
Les chemins de traverse
Les garennes, les pierres pleines
Le liséré de lumière posé
Sur la pierre émaillée
D’éclats de briques
Passe entre les persiennes
Tiré comme à la corde
le trait de lumière
Eclaire la pierre
Dix-huitième poème
Au cœur de la main du monde
Tu restes planant
Dans la minceur désirante
D’une ardeur
Tu restes
Dans l’odeur bronzée des lignages
Sur le bois compté
Des arbres pris
Dans la terre
Des choses simples
Ton amour au fil du temps
Et cette sueur imprègne le tissu
A hauteur de ta poitrine
Avec la forme d’un cœur
Paysage de ta tombe
A la mémoire de Mario Villani , le peintre absent
Et désormais tu dors en moi avec tes mains de gisant, avec tes yeux couleur de menthe
Tu dors avec tes mains feutrées, la croix posée sur tes matins et maintenant tu restes couvert des larmes du silence
Et désormais demeure en moi avec ton corps de pierre, ta respiration de dormeur dans l’eau originelle des matins de lumière
La mousse a recueilli la pierre de tes mains, les rires de ta voix
Tu dors en moi avec ta présence de vie sur le granit de la tombe, tes yeux fermés sur la lumière, ton coeur battant au creux du mien
Et désormais, tu dors au centre du coeur avec tes mains de silence et de nuit, ton visage de pierre au centre de la pierre du corps et je porte la pierre de ta vie, la pierre de lumière
Au centre de mon coeur avec l’oiseau de tes ailes qui se heurte contre la paroi de mes côtes et l’angoisse veloutée de ton absence à être
Tu dors en moi dans la tranquillité insoumise de ta bataille, dans l’étroitesse meurtrie de tes poumons de pierre
Tu respires avec la respiration calmée d’un nageur de hauts fonds dans l’eau originelle d’une transformation de méthode
Et chaque élément de ton corps est une porosité de toi qui court le monde
Tu dors en moi comme un placenta de pierre et de vie où coulent les liquides d’une métamorphose de souffle, où l’on soutient ta tête pour une nouvelle bataille de limon et de nuit
Et désormais tu transformes ton corps en couleur et l’oeuvre reste dans le regard si vert d’un matin de printemps
Tu habites. Tu habites le monde et la pierre et le squelette de ta vie est une merveille de construction fine, une pureté menue de chevilles quand se détachent les tendons et ne reste que la beauté magique de ton architecture de lumière, dans l’Iris de Suse des matins
Tu habites par la dentelle d’os d’un corps délivré du temps
La tombe couverte de neige ou irisée d’un cristal de rythme
Dans l’architecture de ta construction d’os, dans la blancheur nacrée d’une main devenue phalange
Dans les transformations de ton corps opèrent les saisons comme des nidifications de feuilles
Tu es posé dans l’étrangeté des mondes, dans le coeur dormant de la nuit et les larmes coulent sur ton cercueil de neige et d’os, dans la dentelle de tes mains
Tu habites le monde. Tu restes cet élancement aussi beau dans la mort que dans la vie, cette architecture noble que jamais ne touche l’effroi d’une pourriture
Tu t’en sors, tu passes par là, mais tu t’en sors avec ton visage devenu d’os et de nuit où creusent les orbites de tes yeux. Mais ton regard est toujours là, ton regard de peintre posé sur le mannequin drapé
Tu habites le monde des couleurs et le paysage se retrace derrière tes orbites dans la pureté inoubliable de ton élan vers le monde.
Césure médusée bleue
Pour Henri Maccheroni, en complicité de création,
Superposition de couches et de strates dans l’archéologie d’une matière.
La sédimentation désigne comme les plans successifs d’une géologie en feuilleté ou pliure.
Des artères de sang noir dans la pénétration du sexe sont destinées à ne pas voir ce qu’elles font voir.
Papier ou femme dévoilant leur bord, leur fente, dans la déchirure bien visible, pour apercevoir ce qui est creusée d’une éventration.
Femme devenue fissuration démultipliante en perspectives de lumière.
Femme ou ville-paysage de nervures en intervention de lignes droites et courbes, de leurs recoupements labyrinthiques aventureux.
Couleur-de-femme, Egypte bleu, elle dansera sciemment par l’écoutille qu’elle porte entre les jambes, pour tout ce qui en elle multiplie et ondule.
Faces totémiques en lèvres noires, sillon christique, découpe de cicatrices géologiques.
Tatouages primitifs et masqués sur le maquillage blessé des sillons de lèvres, torses de la fissure christique en arbres entaillés de scarifications, becs de canards qui débutent un terrier dans l’odeur profonde de la terre.
Réalité minérale d’un phénomène de roches mouillées de sources et de vie, en éruption de volcan, fouille et palimpseste jusqu’à la putréfaction des matières.
Glissement, modulation glissante d’une lumière entre le sexe et superposée d’os et de crâne.
Météorite de structure sérielle dans le mouvement d’un effet à double fond tramé où la fente est la couture.
Broderies gothiques de signes et de sexes, immémoriales sur les bandelettes blanchies des momies aux lèvres noires.
Grâce ployante d’oiseau mort, fourreaux et violons enfermés dans les boîtes funèbres, au centre d’une blancheur d’os.
Et puis, bocal ou cerceau d’air qu’exprime le plongeur allongé sous la surface et que l’on voit monter lentement en irisation de verre dans la pulvérisation ou plutôt la pulvérence du cristal.
Car, d’opacités en transparences, possibilité de traverser.
Fragments à plusieurs épaisseurs au travers des déchirures, et cet étrange organe sensible entre ses jambes qui déchire et répare la profondeur aimée du réel.
***
Nidification de la lumière
A la mémoire de Mario Villani
Tu es ce devenu ce dormeur de l’eau originelle. Tu dors dans ce placenta de pierre et de vie où coulent les liquides d’une transmutation de souffle, où l’on soutient ta tête pour une nouvelle bataille de limon et de nuit.
Désormais, tu demeures dans cette pulsation amniotique, et le placenta garde la forme d’une étoile de mer, d’une anémone lentement tremblée par le rythme de ton coeur.
Tu dors en moi dans l’éponge nourricière striée de vaisseaux où coule l’échange de nos vies et ton coeur bat dans mon coeur la pulsation-seconde d’une année lumière.
Les yeux fermés sur le vert, tu reposes dans l’élément liquide d’une transformation de larmes, et ton souvenir est un souvenir aquatique dans la matrice du monde.
Désormais, tu habites en moi dans le coeur matriciel de la lumière et ta mutation est invisible au plus secret d’un éclair de larmes.
Tu demeures dans l’étendue émotionnelle de cette eau qu’il te faut traverser dans le flux et le reflux des marées depuis le mouvement perpétuel de ton silence.
La neige sur la tombe a coulé, entraînant la fonte des blocs et des limons, ne laissant que les membranes, les fibrillations de ton nuage.
Tu dors avec la respiration calmée d’un dormeur dans l’eau latente d’une transformation de méthode et chaque élément de toi devient la porosité d’un pleur dans l’afflux d’un cristal de rythme.
Les yeux ouverts sur la lumière, je t’ai porté comme un passeur où coule la neige de notre échange dans la mutation non visible de nos transformations de coeurs.
Les larmes coulent sans fin comme une dentelle de lait sur ton cercueil de neige et d’os où s’accomplit la lutte d’une respiration à trouver.
Raz de marée dans le déchirement de la mer, je te porte au travers des longues dunes de sable où tu émerges ruisselant dans l’éternité du silence.
Le vent coule sur la mer et s’effiloche les trainées de ciel dans la brillance d’une crête de vague où baigne le lin de ton drap.
Et ton coeur enfin frappe au creux de mon coeur, dans le liquide amniotique de mon sang où l’échange de la vie et de la lumière a été transformé en amour.
Vifs et morts tous deux ensemble, nous traversons la neige originelle.
Un plateau enneigé
C’est venu. Rien d’autre n’existerait plus après qu’un instant précaire offert à ta bouche et à tes mains.
Un geste totalement gratuit, sans avenir, fragile, friable comme la pointe de l’amour.
Pour se retrouver là où nous traversons ensemble, où nous pénétrons la vie.
Dans la lame affutée de ce qui rend les mondes perméables et nous porte offerts et vulnérables.
Advenus pour nous seuls.
Enfants traversant l’orbite des mondes.
Peignant sur des murs de lumière ton nom à côté du mien.
Sculptant ton visage et ton corps dans une matière de vie et de couleur
Traçant nos pas mêlés sur le chemin d’une nuit ouverte dans la chaleur de l’été.
A cet instant le corps entier se transforme, brillant, étincelant, éblouissant comme une pierre, un fragment de mica.
Puis il redevient chair et de la sueur commence à couler.
Un vase sacré est déposé pour recueillir cette sueur, pour ne pas en perdre une goutte tant elle demeure précieuse.
Ensemble nous nous présentons sur un plateau enneigé, les mains nues tournées vers le ciel.
C’est cet unique geste que nous accomplissons ensemble.
Extrait de Dialogue avec L’anonyme, Collodion, 2018.
***
Stèles pour un scribe
Béatrice Bonhomme
Le gardien est parti
Dans la maison ne demeurent que le lit
Les oreillers posés
Des chaussures presque neuves
La couverture orange striée de lumière
Et les persiennes tamisées vers le jour.
Le scribe s’en est allé
Il est devenu blanc
A repris son profil de médaille
On l’a allongé avec ses jambes d’albâtre
Intouchées, restées pures.
Il a lâché sa plume
Son dictionnaire
Ses griffonnages métaphysiques.
Le témoin est parti avec son humilité de mystique
Sa foi construite en bienveillance
Sa patience à souffrir
Son fin sourire de connivence.
Il s’en est allé dans le monde
Dans la lumière et l’ombre
Là où les jambes marchent encore
Et le corps mince se déplace
Sur la fresque de la mer.
Il est parti avec ses joies humbles
Faites de murmure et de silence.
Dors en paix dans ton visage de jeune homme
Torturé par la perte des signes.
Le veilleur a disparu
Un matin posé sur le drap
Le visage glacé
Les mains jointes
Il nous a laissé la lumière et le silence.
Le sage est parti avec la patience de ceux
Qui ont appris la vie
De ceux qui ont appris la mort
Sans rien exprimer qu’un murmure,
Un sourire devant la dureté d’un destin.
Il joue au tennis.
C’est un danseur
La balle l’attend
Comme la sauterelle qu’il pose délicatement
Sur l’herbe des pauvres, des minuscules.
Il a accepté lentement
Avec courage, son destin cisaillé
Avec la cicatrice qu’il portait au front
Et l’entaillait.
Les petites pièces jaunes
Restent à côté du cercueil
Posées dans un coffre bleu
Son trésor de pirate
Pour une aventure à venir.
Il a laissé derrière lui cette lumière
Et quelques pages.
Calligraphies
De mendiant existentiel.
Et puis un jour il s’en va
Tout doucement
Sans faire de bruit
En nous laissant les larmes.
***
Ouvrir les mains
Nous avons mis tant de temps à vraiment regarder la mer.
Tant de temps à voir le ciel.
À respirer les marais.
À visiter les citadelles.
À attendre dans le vent la venue de la pluie.
À nous griller au soleil des saisons.
Nous avons mis tant de temps à devenir un morceau de bois.
Nous avons d’abord tout vu sans rien voir.
Nous avons couru dans les traverses de la vie sans remarquer la limace traîner son dos orange dans l’odeur du sol mouillé par les pluies.
Nous ne sentions pas la plante jaune comme un feu d’artifice dans le maquis brûlé.
Nous avons affronté la vie sans nous remplir du plasma des matins de la mer.
Nous nous sommes enfin dessaisis pour laisser pénétrer le ciel en nous.
Extrait de Deux paysages pour, entre les deux dormir, Editions VVV, 2018.
Stèles pour un scribe
Le gardien est parti
Dans la maison ne demeurent que le lit
Les oreillers posés
Des chaussures presque neuves
La couverture orange striée de lumière
Et les persiennes tamisées vers le jour.
Le scribe s’en est allé
Il est devenu blanc
A repris son profil de médaille
On l’a allongé avec ses jambes d’albâtre
Intouchées, restées pures.
Il a lâché sa plume
Son dictionnaire
Ses griffonnages métaphysiques.
Le témoin est parti avec son humilité de mystique
Sa foi construite en bienveillance
Sa patience à souffrir
Son fin sourire de connivence.
Il s’en est allé dans le monde
Dans la lumière et l’ombre
Là où les jambes marchent encore
Et le corps mince se déplace
Sur la fresque de la mer.
Extrait de Les Boxeurs de l’absurde, Editions Etoile des limites, 2019.
Une pierre blanche
La pierre blanche aucun ornement
Aucune fleur
Aucun signe de cœur.
La pierre striée blanc sur blanc
Sans nom ni dates.
Le sable blanc des tombes
Où tous les noms s’effacent.
Le feu a effacé le nom
D’abord noir puis encore plus blanc
Sans nulle trace de gravures.
Pas de nom, pas de dates
La dernière tombe à droite
Seul au nouveau cimetière
Tu attends le gré de l’anonyme
La mousse qui dira le matin
Mais plus pour toi.
Extrait de Les Boxeurs de l’absurde, Editions Etoile des limites, 2019.
La Maison Rouge
Pourquoi teintée de rouge
La maison avec son corps d’écorchée et de veines
De lépreuse arrachée au crépi du temps ?
Pourquoi habillée de silence et de nuit
La maison avec son arbre de veines écorchées dans le matin du monde
Dressée en oriflamme de lèpre ?
Pourquoi sanglante dans le jour et les arbres
La maison d’écorchée vive
Brandie en contraste de couleurs
Au vert du matin
Et pourtant rosie comme le sang traversé de neige ?
Pourquoi si rouge comme le cœur brillant de la mère
La mère rouge au cœur dans une maison rouge
Pourquoi veinules et artères d’arbres et de maisons
Dans le cœur des contes
Petit poucet farceur violé par le sang des ogres ?
Pourquoi posée sur des piliers de fissures et de temps
Avec la blessure d’être et la faille
Et la cicatrice noircie dans le rouge
Pourquoi éclatée de terrasses et de vérandas
Comme des sanglots qui laissent échapper un sang noir ?
Extrait de Les Boxeurs de l’absurde, Editions Etoile des limites, 2019.
***
Un jour de pierre blanche
Béatrice Bonhomme
La pierre est blanche sous le givre blanc
Quelques arbres de gravures à peine au loin
Dessinent la tombe anonyme.
Le nom n’a pas été gravé
Sans nom de vie, sans nom de mort
Il est posé dans le silence.
La maison se dresse
Flamme rouge accrochée au flanc de colline
Et désormais la terrasse rose effondrée
A massacré le sang des anges.
Il vivait là presque invisible
En paroles inaudibles
En petits gestes de la tête.
L’ermite on disait
Et il riait silencieusement.
La pierre blanche aucun ornement
Aucune fleur
Aucun signe de cœur.
La pierre striée blanc sur blanc
Sans nom ni dates.
Le sable blanc des tombes
Où tous les noms s’effacent.
Le feu a effacé le nom
D’abord noir puis encore plus blanc
Sans nulle trace de gravures
Et juste le souffle sur les mains
Et le piétinement des jambes
Pour supporter le froid du monde.
Pas de nom, pas de dates
La dernière tombe à droite
Seul au nouveau cimetière
Tu attends le gré de l’anonyme
La mousse qui dira le matin
Mais plus pour toi.
Un drap gravé à tes initiales
En or de pompes et de forêts
La maison pyromane
Tient ta tête de noyé
Le passeur convoque ta barque
Qui dit que tu es né et mort
Sans un cri.
La brindille qu’on espérait a séché
Dans le champ de givre
Nul endroit où accrocher la main
Mais qui explique comment
Avec des lettres en argent
De petites gravures dans la pierre
Faire fuir l’anonymat des tombes ?
Pas de nom, pas de mort,
Non reconnu, ni vu ni connu
Tu t’es échappé en signe rouge.
***
Ecorchés vifs
Le ciel avait dégorgé du rouge
Des nappes de sang
Des rythmes de vagues pourpres
Des effrangés de lumière
En rideaux effilés de noir.
Les chiens étaient lâchés
Mangeant la boue du monde
La pluie de lave
Pétrifiant le cœur
Avant les cendres.
C’était en écorchés rouges qu’on vivait le ciel et ses marges de bleu
On avait engrangé la terreur et le froid des morts
On avait décidé d’un soleil respiratoire pour chaque jour encore donné
Le souffle passait rouge à travers le givre et les gestes d’arbre
La course emplissait l’espace vital d’une chaleur.
C’était en écorchés rouges qu’on affrontait l’amour
Avec cette brûlure au centre des corps et du monde
On donnait tout comme ça
Pour ne pas encore mourir
Pour croire que par paliers l’absolu nous guettait
Pour espérer les larmes et le sang.
C’était en écorchés rouges que nous avions des souvenirs
Des matins partagés d’enfance
Des odeurs de corps lavés purs au citron
Des mandarines de fleurs dans la bouche.
C’était en écorchés rouges qu’on s’était blotti
Sous le lit d’une maison effondrée
Avec des toiles éventrées étendues aux fenêtres
Avec le sang du corps ruisselant aux abords des branches
Et des branchies de veines
Le cœur au milieu d’une respiration à venir.
Le visage dans la bouche des forêts
Le matin brandi de fleurs et de sexe
Les mains accueillies dans l’arbre chaud des touffures
On avait au ventre, rivés, la fouaille des entrailles
Et la forge d’un baiser.
On était rien que l’anonymat des saisons
Que les jours suivant les nuits
Que l’odeur du bois emplissant la maison
Que le tilleul bleu touchant le froid du ciel.
On n’avait pas de nom, pas de passé,
Pas de croyances et pas de foi
On n’avait pas de visage,
Pas de contours ni de limites
On avait traversé le rouge et la porosité
Et on allait par le monde avec son cœur et ses entrailles
Au quatre vents de l’oubli.
On avait saisi un sourire,
Une main contre la nuque
Une caresse blottie au chaud du monde
Des lèvres sur un cou
Un regard étonné
Et c’était suffisant pour courir
Le matin dans la réverbération du monde.
Titre : Après la pluie
Il n’est de trame que ce mot
que j’écris sans cesse le même
que le tracé du mot
quel qu’il soit
que l’écrit du mot
le calligraphié
que le dessin du mot qui se plaît à nous fuir
curieuses calligraphies d’été
comme le parcours d’un oiseau
ou bien le ballet des feuillages
dessins d’éclaboussures et d’or
tu resteras dans l’étoile
ce papier plié sur ton coeur
aux courbes des calligraphies silencieuses
Deuxième poème
Titre : In Absentia
tu es dans la blessure
de ce printemps
dans ces chambres que nous
n’aurons pas
dans cet amour qui
fait si mal, là où
se pose la minceur
de ton corps nu
sur des draps blancs
Troisième poème
Titre : Désert du déchaînement
1
sous les déchirures
du temps
faisant mémoire arrière
le temps déserté,
abandonné
2
Stèles immémoriales
pages pétrifiées
pierres en poussière de sable
en mots-sable
cette glisse entre nos doigts
comme grains de sable
les allées ensablées, désertifiées
des mots
3
l’empreinte du pied nu
laisse une trace
derrière les pas
la trace d’une page
évanouissante à la vue
les mots pour redonner
un lien à l’espace
délié du désert
désert impénétrable du livre
Quatrième poème
Titre: Le Dessaisissement des Fleurs
la femme vient de la mer
et garde le goût de son
sexe
l’amour de la mer
et crée l’odeur des
embruns
la grande marine
aux marées basses
dans la chevelure des
varechs
la chevelure de la femme déposée sur le sable
des plages
Cinquième poème
L’Univers n’en sait rien
j’écris dans une course effrénée contre la mort
je marcherai toujours avec toi sur les grèves lointaines
notre enfant à jamais blotti contre nous
je t’écris sur les chemins de nos retours
dans la présence inédite de ton pas de ton attente
renouée au destin
il dit tu traverses les pages du livre de ma vie
je suis ton amoureux jeune et tendre marié
il dit tu es ma vie, l’univers n’en sait rien
Sixième poème
Sauvages
Tu demeures sur les ailes blondies
de la mer, ma délicate, dont
l’humble jouissance éparpille
les étoiles
Mendiant d’amour posé sur le
coeur gros des tournesols
le visage écarté en coeur de soleil ou de chagrin
tu ouvres la bouche la mer
sur ta secrète jouissance
Tu demeures posé sur les contreforts du rêve
j’ai longtemps attendu ton espace
l’espace de ton corps qui emplit
le silence,
un plein dans un creux
un en-creux
Tu reposes désormais sur les
tombes des contreforts
ma délicate éparpillée secrète dans
l’éclatement bleu foncé d’une jouissance
je n’ai jamais pleuré ta mort
qu’aujourd’hui le temps des larmes,
allongée sur la tombe de ton enfance
tu reposes
à la fenêtre ouvre les bras
ma tendre, ma délicate
ma jouissante éparpillée sur les
tombes de ton silence
Septième poème
Poumon d’oiseau éphémère
D’un coup cette sensation de libération
comme les convalescences d’enfant
et puis grandit la poigne de la mousse
s’élargit comme un faisceau de plumes
dans l’arbresle des poumons
et pluine d’étoiles en fer
au centre des carrefours de neige
rejoint cette brusque sensation
d’être bloqué à jamais
dans la mâchoire du poisson
qui plus jamais ne saisit l’air des libellules
mais seulement la bouche ouverte
tendue en vain
vers l’unique ruisseau de l’espace
Désormais il n’est plus nécessaire d’essayer d’échapper
car la mousse a rejoint le corps des lichens
et ramène à la terre
cet horizon de neige et d’air
gonflé de sang.
Désormais nul besoin de s’agiter
juste pénétrer en soi le travail des mousses
et ne plus chercher l’étroit passage
où s’ouvrirait une fenêtre
car la mousse a grandi
sur l’étoile des poumons
et tout a fait son nid
désormais dans la mort
La mousse rattrape l’élan bleu
à vouloir vivre sans cesse, sans fin
et à se résigner
dans la pourriture verdie
des poumons d’oiseaux autrefois
jadis et d’espace
dans tes poumons d’oiseau éphémère
Huitième poème
Le Porteur de Bruyère
Je suis le fiancé
le porteur de bruyère
et je fleuris les tombes
des grands-mères oubliées
Je suis le fiancé
le porteur de bruyère
et je fleuris les tombes
de l’enfance oubliée
Je suis le fiancé
le porteur de bruyère
et je fleuris les tombes
et si vite oublieuses.
Neuvième poème
Le Dessaisissement des fleurs
Il s’avance lentement
Il s’avance, à gestes
rituels, comme un danseur
Il s’avance lentement
sur le paysage
vers la colombe poignardée
une blessure aussi naturelle
que le rose des lèvres,
Il s’avance, et la tache est enfoncée
dans les cicatrices
des voiles
Il s’avance et tous ses gestes
sont réglés sur le silence.
Dixième poème
Les Gestes de la neige
Pour toi je réinventerai les gestes
de la neige
les gestes des premières éclaboussures
d'étoile aux taches de la neige
je réinventerai les premiers mots
de neige
et notre enfance sous le givre des cloîtres
Je réinventerai les premiers
mots de neige
et notre enfance au long sable des plages
C'est comme si l'amour s'était posé un instant dans le bleu
l'amour s'était posé un instant sur ta neige
il neige des flocons d'amour sur les épaules
de la mer
Il ne s'agit de presque rien
que le désert
d'un regard cassé
d'un enfant brisé
au regard
de ton regard d'enfant
à l'espoir de la neige
Onzième poème
La chevelure de Bérénice
Pierres mémoriales du sourire
l’hallucination qu’est le regard prochain
toutes les boucles chargées d’or
comme les tombeaux des pharaons,
les nefs chargées de lourds trésors
dans l’ivresse sans nuit de l’enfance
tu frappes à la porte secrète
là est l’eau pure et profonde
Douzième poème
Circularité des nuages
j’ai repris tes mots
pour les dire
sentir la fleur des
lavandes et ce soleil confit
doré rouge acajou
là où se pose le lisse de la main
sur le parquet blondi
j’ai repris tes mots
pour redire l’enfance
l’enfance perdue
déchiquetée paroissialle
l’enfance de grand-mère pieuse
l’odeur de miel
la cire comme un rayon d’abeilles
les vieux meubles enserrent les draps
lavés bleu de lavande
et fleurent d’anciennes lessives d’eau claire et puis de cendre
les maisons tilleuls
les potagers bleutés
sous l’étrange des soirs
la salade égouttée
lavoir et prie-dieu
te psalmodient et te reviennent
les mots, les mots de ton enfance
la cathédrale grise
les vitraux de couleur
une après-midi de villes endormies
retour sans cesse
et le couvent des femmes encerclant l’espérance
Treizième poème
la Grève blanche
il dit : femme est le nom de l’inaccompli
femme est le nom de l’inachevé
blanche
les changements de sens sont marqués par l’oubli
fou de la femme
fou de Dieu
il dit
femme est le nom de Dieu
dans cette langue
n’existe pas le temps de l’avenir
femme est le nom de l’absente
femme est le nom
et n’est jamais
l’indicible
femme est le nom de l’indicible
femme est le nom de Dieu
où Hallâj s’éteint
je te couvrirai de la chevelure
l’herbe véritable des marées
coquillages abandonnés sur le sable
aux bruyères s’est mêlé de l’or
on a oublié les chevaux
un moment de vagues
de vide
homme abandonné
il dit donne-moi toujours plus
car femme est l’autre nom de Dieu
Quatorzième poème
Jeune homme marié, nu
la photo
de toi
la photo nue de toi
la photo de toi nu
le dos fragile de ta
pureté
Dans ta neige
la mince pluie
bleue
dans ton coeur
la légèreté
d'une chaleur
Sur tes gestes
le regard de
ma passion
Sur tes doigts
l'odeur folle
de mon amour
La douceur de ton corps
le pur de
ta passion
tu portes mon
regard.
dans ta main
comme un oiseau
échappé fou
l'odeur de cyprine
et de pluie
jeune marié de
ta main à l'alliance légère
porte le nom secret
une bague d'or pur
dans tes mains
s'ouvrent en un lotus
l'arôme mouillé
et dans le charme
les saccades de tes gerbes
la source liquide d'un
jaillissement d'ailes
Quinzième poème
Sur la trace légère de quelques oiseaux
Un passage comme si de rien n’était
Et voilà que je me remets à pénétrer les mots de la vie
Un soleil sur la nappe rouge
Des toits sur la mousse
Et la pompe au milieu de la cour
Ne ramenant plus d’eau
Mais la source est toujours présente
Avec l’eau claire que l’on aperçoit
A travers la fente des pierres
Je n’ai pas attendu que tu viennes
Je croyais que c’était le temps de ma nuit
Et puis tu as trié le ciel
Sur la trace légère de quelques oiseaux
Il y a toujours ce noir profond
Quelque chose qui ne fait que grandir
Dans la simplicité des pierres
Seizième poème
Greniers de l’enfance
L’odeur de poussière
La paille restée chaude
Comme déposée par le blé
Il reste cette belle odeur des greniers
Et toutes ces choses offertes
Qui n’ont plus lieu
Dix-septième poème
Simplicité de la pierre
Maintenant ce qui reste
Après avoir tenu le ciel
Dans nos mains nues
C’est juste ce que j’aime
Les chemins de traverse
Les garennes, les pierres pleines
Le liséré de lumière posé
Sur la pierre émaillée
D’éclats de briques
Passe entre les persiennes
Tiré comme à la corde
le trait de lumière
Eclaire la pierre
Dix-huitième poème
Au cœur de la main du monde
Tu restes planant
Dans la minceur désirante
D’une ardeur
Tu restes
Dans l’odeur bronzée des lignages
Sur le bois compté
Des arbres pris
Dans la terre
Des choses simples
Ton amour au fil du temps
Et cette sueur imprègne le tissu
A hauteur de ta poitrine
Avec la forme d’un cœur
Paysage de ta tombe
A la mémoire de Mario Villani , le peintre absent
Et désormais tu dors en moi avec tes mains de gisant, avec tes yeux couleur de menthe
Tu dors avec tes mains feutrées, la croix posée sur tes matins et maintenant tu restes couvert des larmes du silence
Et désormais demeure en moi avec ton corps de pierre, ta respiration de dormeur dans l’eau originelle des matins de lumière
La mousse a recueilli la pierre de tes mains, les rires de ta voix
Tu dors en moi avec ta présence de vie sur le granit de la tombe, tes yeux fermés sur la lumière, ton coeur battant au creux du mien
Et désormais, tu dors au centre du coeur avec tes mains de silence et de nuit, ton visage de pierre au centre de la pierre du corps et je porte la pierre de ta vie, la pierre de lumière
Au centre de mon coeur avec l’oiseau de tes ailes qui se heurte contre la paroi de mes côtes et l’angoisse veloutée de ton absence à être
Tu dors en moi dans la tranquillité insoumise de ta bataille, dans l’étroitesse meurtrie de tes poumons de pierre
Tu respires avec la respiration calmée d’un nageur de hauts fonds dans l’eau originelle d’une transformation de méthode
Et chaque élément de ton corps est une porosité de toi qui court le monde
Tu dors en moi comme un placenta de pierre et de vie où coulent les liquides d’une métamorphose de souffle, où l’on soutient ta tête pour une nouvelle bataille de limon et de nuit
Et désormais tu transformes ton corps en couleur et l’oeuvre reste dans le regard si vert d’un matin de printemps
Tu habites. Tu habites le monde et la pierre et le squelette de ta vie est une merveille de construction fine, une pureté menue de chevilles quand se détachent les tendons et ne reste que la beauté magique de ton architecture de lumière, dans l’Iris de Suse des matins
Tu habites par la dentelle d’os d’un corps délivré du temps
La tombe couverte de neige ou irisée d’un cristal de rythme
Dans l’architecture de ta construction d’os, dans la blancheur nacrée d’une main devenue phalange
Dans les transformations de ton corps opèrent les saisons comme des nidifications de feuilles
Tu es posé dans l’étrangeté des mondes, dans le coeur dormant de la nuit et les larmes coulent sur ton cercueil de neige et d’os, dans la dentelle de tes mains
Tu habites le monde. Tu restes cet élancement aussi beau dans la mort que dans la vie, cette architecture noble que jamais ne touche l’effroi d’une pourriture
Tu t’en sors, tu passes par là, mais tu t’en sors avec ton visage devenu d’os et de nuit où creusent les orbites de tes yeux. Mais ton regard est toujours là, ton regard de peintre posé sur le mannequin drapé
Tu habites le monde des couleurs et le paysage se retrace derrière tes orbites dans la pureté inoubliable de ton élan vers le monde.
Césure médusée bleue
Pour Henri Maccheroni, en complicité de création,
Superposition de couches et de strates dans l’archéologie d’une matière.
La sédimentation désigne comme les plans successifs d’une géologie en feuilleté ou pliure.
Des artères de sang noir dans la pénétration du sexe sont destinées à ne pas voir ce qu’elles font voir.
Papier ou femme dévoilant leur bord, leur fente, dans la déchirure bien visible, pour apercevoir ce qui est creusée d’une éventration.
Femme devenue fissuration démultipliante en perspectives de lumière.
Femme ou ville-paysage de nervures en intervention de lignes droites et courbes, de leurs recoupements labyrinthiques aventureux.
Couleur-de-femme, Egypte bleu, elle dansera sciemment par l’écoutille qu’elle porte entre les jambes, pour tout ce qui en elle multiplie et ondule.
Faces totémiques en lèvres noires, sillon christique, découpe de cicatrices géologiques.
Tatouages primitifs et masqués sur le maquillage blessé des sillons de lèvres, torses de la fissure christique en arbres entaillés de scarifications, becs de canards qui débutent un terrier dans l’odeur profonde de la terre.
Réalité minérale d’un phénomène de roches mouillées de sources et de vie, en éruption de volcan, fouille et palimpseste jusqu’à la putréfaction des matières.
Glissement, modulation glissante d’une lumière entre le sexe et superposée d’os et de crâne.
Météorite de structure sérielle dans le mouvement d’un effet à double fond tramé où la fente est la couture.
Broderies gothiques de signes et de sexes, immémoriales sur les bandelettes blanchies des momies aux lèvres noires.
Grâce ployante d’oiseau mort, fourreaux et violons enfermés dans les boîtes funèbres, au centre d’une blancheur d’os.
Et puis, bocal ou cerceau d’air qu’exprime le plongeur allongé sous la surface et que l’on voit monter lentement en irisation de verre dans la pulvérisation ou plutôt la pulvérence du cristal.
Car, d’opacités en transparences, possibilité de traverser.
Fragments à plusieurs épaisseurs au travers des déchirures, et cet étrange organe sensible entre ses jambes qui déchire et répare la profondeur aimée du réel.
***
Nidification de la lumière
A la mémoire de Mario Villani
Tu es ce devenu ce dormeur de l’eau originelle. Tu dors dans ce placenta de pierre et de vie où coulent les liquides d’une transmutation de souffle, où l’on soutient ta tête pour une nouvelle bataille de limon et de nuit.
Désormais, tu demeures dans cette pulsation amniotique, et le placenta garde la forme d’une étoile de mer, d’une anémone lentement tremblée par le rythme de ton coeur.
Tu dors en moi dans l’éponge nourricière striée de vaisseaux où coule l’échange de nos vies et ton coeur bat dans mon coeur la pulsation-seconde d’une année lumière.
Les yeux fermés sur le vert, tu reposes dans l’élément liquide d’une transformation de larmes, et ton souvenir est un souvenir aquatique dans la matrice du monde.
Désormais, tu habites en moi dans le coeur matriciel de la lumière et ta mutation est invisible au plus secret d’un éclair de larmes.
Tu demeures dans l’étendue émotionnelle de cette eau qu’il te faut traverser dans le flux et le reflux des marées depuis le mouvement perpétuel de ton silence.
La neige sur la tombe a coulé, entraînant la fonte des blocs et des limons, ne laissant que les membranes, les fibrillations de ton nuage.
Tu dors avec la respiration calmée d’un dormeur dans l’eau latente d’une transformation de méthode et chaque élément de toi devient la porosité d’un pleur dans l’afflux d’un cristal de rythme.
Les yeux ouverts sur la lumière, je t’ai porté comme un passeur où coule la neige de notre échange dans la mutation non visible de nos transformations de coeurs.
Les larmes coulent sans fin comme une dentelle de lait sur ton cercueil de neige et d’os où s’accomplit la lutte d’une respiration à trouver.
Raz de marée dans le déchirement de la mer, je te porte au travers des longues dunes de sable où tu émerges ruisselant dans l’éternité du silence.
Le vent coule sur la mer et s’effiloche les trainées de ciel dans la brillance d’une crête de vague où baigne le lin de ton drap.
Et ton coeur enfin frappe au creux de mon coeur, dans le liquide amniotique de mon sang où l’échange de la vie et de la lumière a été transformé en amour.
Vifs et morts tous deux ensemble, nous traversons la neige originelle.
Un plateau enneigé
C’est venu. Rien d’autre n’existerait plus après qu’un instant précaire offert à ta bouche et à tes mains.
Un geste totalement gratuit, sans avenir, fragile, friable comme la pointe de l’amour.
Pour se retrouver là où nous traversons ensemble, où nous pénétrons la vie.
Dans la lame affutée de ce qui rend les mondes perméables et nous porte offerts et vulnérables.
Advenus pour nous seuls.
Enfants traversant l’orbite des mondes.
Peignant sur des murs de lumière ton nom à côté du mien.
Sculptant ton visage et ton corps dans une matière de vie et de couleur
Traçant nos pas mêlés sur le chemin d’une nuit ouverte dans la chaleur de l’été.
A cet instant le corps entier se transforme, brillant, étincelant, éblouissant comme une pierre, un fragment de mica.
Puis il redevient chair et de la sueur commence à couler.
Un vase sacré est déposé pour recueillir cette sueur, pour ne pas en perdre une goutte tant elle demeure précieuse.
Ensemble nous nous présentons sur un plateau enneigé, les mains nues tournées vers le ciel.
C’est cet unique geste que nous accomplissons ensemble.
Extrait de Dialogue avec L’anonyme, Collodion, 2018.
***
Stèles pour un scribe
Béatrice Bonhomme
Le gardien est parti
Dans la maison ne demeurent que le lit
Les oreillers posés
Des chaussures presque neuves
La couverture orange striée de lumière
Et les persiennes tamisées vers le jour.
Le scribe s’en est allé
Il est devenu blanc
A repris son profil de médaille
On l’a allongé avec ses jambes d’albâtre
Intouchées, restées pures.
Il a lâché sa plume
Son dictionnaire
Ses griffonnages métaphysiques.
Le témoin est parti avec son humilité de mystique
Sa foi construite en bienveillance
Sa patience à souffrir
Son fin sourire de connivence.
Il s’en est allé dans le monde
Dans la lumière et l’ombre
Là où les jambes marchent encore
Et le corps mince se déplace
Sur la fresque de la mer.
Il est parti avec ses joies humbles
Faites de murmure et de silence.
Dors en paix dans ton visage de jeune homme
Torturé par la perte des signes.
Le veilleur a disparu
Un matin posé sur le drap
Le visage glacé
Les mains jointes
Il nous a laissé la lumière et le silence.
Le sage est parti avec la patience de ceux
Qui ont appris la vie
De ceux qui ont appris la mort
Sans rien exprimer qu’un murmure,
Un sourire devant la dureté d’un destin.
Il joue au tennis.
C’est un danseur
La balle l’attend
Comme la sauterelle qu’il pose délicatement
Sur l’herbe des pauvres, des minuscules.
Il a accepté lentement
Avec courage, son destin cisaillé
Avec la cicatrice qu’il portait au front
Et l’entaillait.
Les petites pièces jaunes
Restent à côté du cercueil
Posées dans un coffre bleu
Son trésor de pirate
Pour une aventure à venir.
Il a laissé derrière lui cette lumière
Et quelques pages.
Calligraphies
De mendiant existentiel.
Et puis un jour il s’en va
Tout doucement
Sans faire de bruit
En nous laissant les larmes.
***
Ouvrir les mains
Nous avons mis tant de temps à vraiment regarder la mer.
Tant de temps à voir le ciel.
À respirer les marais.
À visiter les citadelles.
À attendre dans le vent la venue de la pluie.
À nous griller au soleil des saisons.
Nous avons mis tant de temps à devenir un morceau de bois.
Nous avons d’abord tout vu sans rien voir.
Nous avons couru dans les traverses de la vie sans remarquer la limace traîner son dos orange dans l’odeur du sol mouillé par les pluies.
Nous ne sentions pas la plante jaune comme un feu d’artifice dans le maquis brûlé.
Nous avons affronté la vie sans nous remplir du plasma des matins de la mer.
Nous nous sommes enfin dessaisis pour laisser pénétrer le ciel en nous.
Extrait de Deux paysages pour, entre les deux dormir, Editions VVV, 2018.
Stèles pour un scribe
Le gardien est parti
Dans la maison ne demeurent que le lit
Les oreillers posés
Des chaussures presque neuves
La couverture orange striée de lumière
Et les persiennes tamisées vers le jour.
Le scribe s’en est allé
Il est devenu blanc
A repris son profil de médaille
On l’a allongé avec ses jambes d’albâtre
Intouchées, restées pures.
Il a lâché sa plume
Son dictionnaire
Ses griffonnages métaphysiques.
Le témoin est parti avec son humilité de mystique
Sa foi construite en bienveillance
Sa patience à souffrir
Son fin sourire de connivence.
Il s’en est allé dans le monde
Dans la lumière et l’ombre
Là où les jambes marchent encore
Et le corps mince se déplace
Sur la fresque de la mer.
Extrait de Les Boxeurs de l’absurde, Editions Etoile des limites, 2019.
Une pierre blanche
La pierre blanche aucun ornement
Aucune fleur
Aucun signe de cœur.
La pierre striée blanc sur blanc
Sans nom ni dates.
Le sable blanc des tombes
Où tous les noms s’effacent.
Le feu a effacé le nom
D’abord noir puis encore plus blanc
Sans nulle trace de gravures.
Pas de nom, pas de dates
La dernière tombe à droite
Seul au nouveau cimetière
Tu attends le gré de l’anonyme
La mousse qui dira le matin
Mais plus pour toi.
Extrait de Les Boxeurs de l’absurde, Editions Etoile des limites, 2019.
La Maison Rouge
Pourquoi teintée de rouge
La maison avec son corps d’écorchée et de veines
De lépreuse arrachée au crépi du temps ?
Pourquoi habillée de silence et de nuit
La maison avec son arbre de veines écorchées dans le matin du monde
Dressée en oriflamme de lèpre ?
Pourquoi sanglante dans le jour et les arbres
La maison d’écorchée vive
Brandie en contraste de couleurs
Au vert du matin
Et pourtant rosie comme le sang traversé de neige ?
Pourquoi si rouge comme le cœur brillant de la mère
La mère rouge au cœur dans une maison rouge
Pourquoi veinules et artères d’arbres et de maisons
Dans le cœur des contes
Petit poucet farceur violé par le sang des ogres ?
Pourquoi posée sur des piliers de fissures et de temps
Avec la blessure d’être et la faille
Et la cicatrice noircie dans le rouge
Pourquoi éclatée de terrasses et de vérandas
Comme des sanglots qui laissent échapper un sang noir ?
Extrait de Les Boxeurs de l’absurde, Editions Etoile des limites, 2019.
***
Un jour de pierre blanche
Béatrice Bonhomme
La pierre est blanche sous le givre blanc
Quelques arbres de gravures à peine au loin
Dessinent la tombe anonyme.
Le nom n’a pas été gravé
Sans nom de vie, sans nom de mort
Il est posé dans le silence.
La maison se dresse
Flamme rouge accrochée au flanc de colline
Et désormais la terrasse rose effondrée
A massacré le sang des anges.
Il vivait là presque invisible
En paroles inaudibles
En petits gestes de la tête.
L’ermite on disait
Et il riait silencieusement.
La pierre blanche aucun ornement
Aucune fleur
Aucun signe de cœur.
La pierre striée blanc sur blanc
Sans nom ni dates.
Le sable blanc des tombes
Où tous les noms s’effacent.
Le feu a effacé le nom
D’abord noir puis encore plus blanc
Sans nulle trace de gravures
Et juste le souffle sur les mains
Et le piétinement des jambes
Pour supporter le froid du monde.
Pas de nom, pas de dates
La dernière tombe à droite
Seul au nouveau cimetière
Tu attends le gré de l’anonyme
La mousse qui dira le matin
Mais plus pour toi.
Un drap gravé à tes initiales
En or de pompes et de forêts
La maison pyromane
Tient ta tête de noyé
Le passeur convoque ta barque
Qui dit que tu es né et mort
Sans un cri.
La brindille qu’on espérait a séché
Dans le champ de givre
Nul endroit où accrocher la main
Mais qui explique comment
Avec des lettres en argent
De petites gravures dans la pierre
Faire fuir l’anonymat des tombes ?
Pas de nom, pas de mort,
Non reconnu, ni vu ni connu
Tu t’es échappé en signe rouge.
***
Ecorchés vifs
Le ciel avait dégorgé du rouge
Des nappes de sang
Des rythmes de vagues pourpres
Des effrangés de lumière
En rideaux effilés de noir.
Les chiens étaient lâchés
Mangeant la boue du monde
La pluie de lave
Pétrifiant le cœur
Avant les cendres.
C’était en écorchés rouges qu’on vivait le ciel et ses marges de bleu
On avait engrangé la terreur et le froid des morts
On avait décidé d’un soleil respiratoire pour chaque jour encore donné
Le souffle passait rouge à travers le givre et les gestes d’arbre
La course emplissait l’espace vital d’une chaleur.
C’était en écorchés rouges qu’on affrontait l’amour
Avec cette brûlure au centre des corps et du monde
On donnait tout comme ça
Pour ne pas encore mourir
Pour croire que par paliers l’absolu nous guettait
Pour espérer les larmes et le sang.
C’était en écorchés rouges que nous avions des souvenirs
Des matins partagés d’enfance
Des odeurs de corps lavés purs au citron
Des mandarines de fleurs dans la bouche.
C’était en écorchés rouges qu’on s’était blotti
Sous le lit d’une maison effondrée
Avec des toiles éventrées étendues aux fenêtres
Avec le sang du corps ruisselant aux abords des branches
Et des branchies de veines
Le cœur au milieu d’une respiration à venir.
Le visage dans la bouche des forêts
Le matin brandi de fleurs et de sexe
Les mains accueillies dans l’arbre chaud des touffures
On avait au ventre, rivés, la fouaille des entrailles
Et la forge d’un baiser.
On était rien que l’anonymat des saisons
Que les jours suivant les nuits
Que l’odeur du bois emplissant la maison
Que le tilleul bleu touchant le froid du ciel.
On n’avait pas de nom, pas de passé,
Pas de croyances et pas de foi
On n’avait pas de visage,
Pas de contours ni de limites
On avait traversé le rouge et la porosité
Et on allait par le monde avec son cœur et ses entrailles
Au quatre vents de l’oubli.
On avait saisi un sourire,
Une main contre la nuque
Une caresse blottie au chaud du monde
Des lèvres sur un cou
Un regard étonné
Et c’était suffisant pour courir
Le matin dans la réverbération du monde.